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de Sagette et cette sirie de Montréal, redan du royaume. Sous ces barons, douze arrière-vassaux se groupaient, le Roi n’ayant guère comme domaine personnel, géré par ses agens, que la ville de Jérusalem et ses environs immédiats.

Ce sont ces princes, comtes, sires qui constituaient l’état-major du corps féodal. En retour de la protection que le Roi leur accordait, ils lui devaient trois genres de services : les services personnels : payer sa rançon s’il était fait prisonnier (ce qui sera le cas de Baudouin II en 1124 et de Guy I en 1187) et payer ses dettes, sauf recours à la court ; le service d’ost, c’est-à-dire le service militaire, et le service de court. En vertu du droit à l’ost, le Roi pouvait exiger de chaque vassal immédiat, pendant quarante jours, un certain nombre, — réglé d’avance, — de soldats qui constituaient l’armée féodale du Roi. Le service de court était l’assistance des vassaux au Roi dans l’exercice de ses fonctions de législateur et de justicier.

Ce devoir d’assistance était inscrit dans toutes les coutumes féodales. Les Assises de Jérusalem le définissent de telle façon qu’on s’aperçoit vite que les seigneurs ont transformé ce devoir en droit. En établissant que tout homme lige du Roi doit être jugé par ses pairs, ils ont fait de la court le Roy un véritable tribunal. En déclarant qu’aucune assise ne pourrait être modifiée ou établie que du consentement de la court, ils donnaient enfin à cette assemblée une puissance législative qui achevait de mettre le Roi entre les mains des hauts barons, — des très hauts barons.

C’est qu’en effet, seuls, les vassaux immédiats du Roi constituaient sa court ; seuls, ils formaient son état-major militaire. C’était d’eux seuls que dépendait la loi et à eux seuls il pouvait s’adresser pour avoir une armée. On comprend que les historiens qui se sont arrêtés aux textes primitifs en aient conclu que la royauté, à Jérusalem, fut serve des seigneurs ses vassaux, et aient cherché dans cette faiblesse les causes premières de sa chute. J’indiquerai qu’elles furent fort différentes. En tout cas si, soixante ans, la royauté de Jérusalem put rester captive de ses hauts vassaux, elle s’était affranchie de ce joug quand tomba le royaume.

Le quatrième roi, Amaury, avait, en effet, soixante ans après la fondation du royaume et par un coup d’Etat consacré par son Assise, élargi à ce point les cadres de la Haute Cour, qu’il avait