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patriarche, se fit par lui sacrer et sacrer roi. Par-là, il devenait autant que l’élu des hommes celui de Dieu. Et comme roi, il réclama l’hommage de tous les princes francs d’Orient, — ce à quoi Godefroy n’avait point prétendu. Comme, à son tour, Baudouin I devait, à son lit de mort, imposer aux électeurs pour son successeur son plus proche parent, le principe de l’élection était, dès 1118, bien compromis. N’est-ce point preuve frappante de cette substitution rapide du droit héréditaire au droit électoral que l’avènement, en 1144, d’un enfant de sept ans, Baudouin, placé sous la régence de sa mère[1] ?

La loi cependant subsista, qui affirmait le caractère électif de la royauté. A chaque avènement, d’ailleurs, les seigneurs assemblés sous la présidence du patriarche, au « Palais de Salomon » affectent d’examiner les mérites du « candidat » et finissent par l’acclamer roi. Le patriarche le consacre au « Temple » ou ailleurs. Mais, en fait, l’hérédité est fondée.


Il ne s’ensuit pas que, de ce coup, la conception primitive de la royauté chrétienne de Syrie ait été modifiée. Si le Roi n’est élu que pour la forme, il reste longtemps sous la tutelle étroite de l’oligarchie féodale. Pendant soixante ans, tout au moins, le souverain de Jérusalem est subordonné à sa Cour et captif de la Loi féodale. Celle-ci se caractérise en deux mots : indépendance des hauts seigneurs vis-à-vis du Roi, dépendance étroite du Roi vis-à-vis des hauts seigneurs.

Ces hauts seigneurs, — vassaux en titre, maîtres en fait, — sont tout d’abord les princes de la Syrie.

Quatre grandes baronnies se partagent la Terre Sainte : Antioche, Edesse, Tripoli et Jérusalem. Les trois premières sont, en principe, subordonnées à la quatrième, en fait à peu près indépendantes. Ce sont presque des États unis', — parfois mal unis.

La principauté d’Édesse ne devait durer qu’un demi-siècle. Elle s’étendait à peu près sur la région actuellement occupée par les pachaliks de Malatia, Severek, Orfa, Marasch et Aïntab ; la capitale était Édesse, ville semi-arménienne,

  1. « On le fist porter à un chevalier, écrit Guillaume de Tyr, entre ses bras jusqu’au Temple por ce qu’il estoit petiz, que il ne voloit mie qu’il fust bas d’euuz, le chevalier estoit granz et levez. »