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hait pas, mais on ne craint pas non plus, et il n’y a pas de peur, de calcul ou de prudence qui puisse tenir lieu d’amitié. C’est du Brésil qu’était partie l’éloquente protestation de M. Ruy Barbosa, contre les violations du droit, et le Sénat l’avait faite sienne par une délibération solennelle. C’est du Brésil que part à nouveau pour Berlin cet avertissement sans ambages : « Dans de telles circonstances, et en observant invariablement les mêmes principes (le respect rigoureux des règles de neutralité, le droit, dont il a toujours usé, de réclamer dans les cas concrets où les intérêts brésiliens se trouvent en jeu), le gouvernement brésilien, après avoir examiné la teneur de la note allemande, déclare qu’il ne peut accepter comme effectif le blocus qui vient d’être subitement décrété par le gouvernement impérial... Malgré son vif et sincère désir d’éviter toute divergence avec les nations amies actuellement en guerre, il croit qu’il est de son devoir de protester contre ce blocus, comme effectivement il proteste, et, par conséquent, de laisser entièrement au gouvernement impérial allemand la responsabilité de tous les faits où se trouveront mêlés des citoyens, des marchandises ou des bateaux brésiliens, dès qu’on aura constaté le mépris des principes reconnus du droit international ou des conventions signées par le Brésil et l’Allemagne. » Ce que l’Allemagne, avec ses prétentions et ses méthodes de guerre, a blessé chez les neutres, particulièrement là où a coulé, où s’est transmise une goutte de sang latin, — Latin sangue genitile, — c’est une civilisation plus ancienne, qui a franchi plus d’étapes et qui s’est mieux assimilée, c’est l’humanité plus fine que forme la culture des « humanités,  » c’est le sens héréditaire du droit. Elle est réapparue à l’homme latin, gentilhomme, galant homme ou simplement honnête homme, telle qu’elle apparaissait à Pétrarque, comme la « race revêche,  » — génie ritrosa, — et la traduction est un peu faible ; il faudrait dire la race impénétrable à tout ce qui, par le travail des siècles, est devenu notre être et dont nous vivons. Il est, à cet égard, curieux et il nous est agréable de noter, parce que le fait pourra et devra avoir des conséquences, que les réponses de ces nations de même sang ont un accent très caractéristique, et que, tandis que d’autres hésitaient sur la voie à suivre, elles trouvaient d’instinct leur position.

Ainsi, à l’exception d’une poignée de germanophiles impénitens qu’aveuglent (et c’est le motif le plus honorable) des passions fanatiques, toute l’Espagne politique, tous les chefs de partis, M. Dato pour les conservateurs, M. Lerroux, pour les radicaux catalans, M. Melquiades Alvarez pour les réformistes, et tous les journaux ;