à son détriment. Elle a agi de même en Norvège, en Danemark, en Hollande, essayant de détourner contre l’Angleterre le courant déchaîné contre elle-même; et la trace de ses efforts se voit aussi dans la réponse de la Suisse, en un passage ainsi conçu : « Le blocus maritime décrété par le gouvernement de l’Empire allemand fait suite à une série de mesures prises durant la guerre par les deux parties belligérantes en contradiction avec le droit des gens et les accords internationaux, mesures par lesquelles notre liberté d’action en matière économique s’est déjà trouvée restreinte et contre lesquelles nous avons vainement élevé la voix. » Le Lokal-Anzeiger, qui est, pour les besognes de confiance, l’organe préféré de la Chancellerie, l’a signifié cyniquement aux neutres. Le grand moyen de l’Empire allemand, le seul peut-être dont il dispose pleinement et qu’il puisse encore développer, c’est la terreur. Donc, que tout tremble, et que tout cède. Écoutez ces choses charmantes, — mais tous, ces petits États, secoués dans leurs fondemens, tirés par leurs racines, menacés sur la terre, dans le ciel et sous la mer, ne les entendent que trop : — « Nous savons que vous serez toujours du côté du vainqueur, imprimait le Lokal-Anzeiger du 1er février, le jour même de la reprise à outrance de la guerre sous-marine. Vous pourrez nous haïr, mais vous nous craindrez, et cela tient bien d’amitié. C’est toujours devant la raison du plus fort que le monde s’est incliné. » Oui, ce sont de vieilles maximes; mais elles ont leur point délicat, qui est qu’elles condamnent leur Prince ou leur État à être toujours le plus fort : « Les hommes n’aiment qu’à leur gré, écrivait l’autre, mais ils craignent au tien; par conséquent, il vaut mieux pour toi être craint qu’aimé. » La revanche de la morale est que ce n’est vrai que d’un temps ; et que, de tous les temps de ce monde, il n’en est pas qui passent et qui changent plus vite, heureusement, que les temps de la force. Sans quoi, il suffirait d’un siècle de prédominance allemande, pour rendre inhabitable ce qu’elle n’aurait pas rendu désert. Quel État, plus que ces petits États neutres, suspendus pour ainsi dire à la ceinture de l’Allemagne comme une réserve pour sa faim, peut, dans l’intimité des cœurs, aspirer à la défaite de l’Empire qui seule assurera sa propre libération ? Autre chose pourtant est d’aspirer et de soupirer, autre chose est de le laisser voir.
La force monstrueuse de l’Allemagne ne vise et ne va à rien de moins qu’à tuer ou paralyser toute vie et toute souveraineté à son ombre. Mais l’ombre, qui n’a jamais couvert toute l’Europe, et qui déjà y décroît, ne s’étend pas du tout sur l’autre hémisphère. Là, on ne