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abasourdie et a eu besoin, pour se remettre, des assurances et des encouragemens de Berlin. Il reste, dans tous les cas, que cette nouvelle trame est déchirée, et que la dernière intrigue des germanophiles d’Athènes (mais ce n’est jamais la dernière) aura été aussi vaine que les précédentes.

Pendant que se dessinaient autour de lui tant de marches et contremarches tortueuses, M. Wilson, fort, à l’avenir, d’une décision inébranlable, allait tout droit son chemin. Il continuait de recevoir les réponses des États neutres, à qui il avait fait appel; après la fière réponse de l’Espagne, celles, plus timides, des voisins de l’ogre épouvantés, des États Scandinaves, de la Suisse, de la Hollande ; celles, plus fermes, de l’Argentine, du Chili, de l’Uruguay; celle, très nette, du Brésil. Les États Scandinaves ont même répondu deux fois ; une première fois par note particulière, et une deuxième par note collective. La note particulière de la Suède était un peu sèche, et ce n’est pas la juger mal que d’en estimer le ton un peu pointu, comme si M. Hammarskjœld, autre professeur de droit public, s’y était donné le plaisir de faire la leçon à son ancien collègue, M. Woodrow Wilson, personnellement ou par l’intermédiaire de son ministre des Affaires étrangères, M. Wallenberg. « Afin d’obtenir un résultat pratique, rappelait-il, le gouvernement royal s’est adressé à plusieurs reprises aux Puissances neutres pour arriver à une collaboration. Il n’a pas omis, notamment, de soumettre au gouvernement des États-Unis des propositions à cet effet. A son regret, le gouvernement du Roi a constaté que les intérêts des États-Unis ne leur ont pas permis d’adhérer à ces propositions. » Et ce n’est pas seulement, comme on pourrait le croire, une querelle de priorité. M. Wallenberg n’entend point appuyer l’initiative de M. Wilson, il le déclare en termes presque brutaux : « La proposition qui forme l’objet de la présente correspondance a pour but indiqué d’abréger les maux de la guerre. Mais le gouvernement des États-Unis a choisi comme moyen d’arriver à ce but un expédient absolument contraire aux principes qui ont guidé jusqu’à cette heure la politique du gouvernement royal. » Admettons que ces principes sont, puisque le ministre l’affirme, ceux d’une neutralité et d’une impartialité parfaites vis-à-vis des deux parties belligérantes, mais ne perdons pas de vue qu’à l’occasion de la rupture des relations diplomatiques entre les États-Unis et l’Allemagne, la campagne « activiste,  » c’est-à-dire progermaine, a poussé en Suède une flamme, a accusé une recrudescence notable. Non pas que l’Allemagne y ait gagné des sympathies, mais elle a jeté dans la balance tout ce qu’elle a pu pour rétablir chez les neutres l’équilibre rompu