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Pour leur transmission nocturne, en cherchant bien on trouverait, je crois, dans Aristote qu’elle était déjà, dans l’antiquité, obtenue au moyen de feux, qui permettaient aux souverains de Perse de recevoir en peu d’heures des nouvelles de toutes leurs lointaines frontières. Et puis Homère, — cet aveugle s’intéressait beaucoup à tout ce qui se rapporte à la lumière, — nous a vanté l’éclat des feux que Clytemnestre avait fait préparer le long de la côte pour être avertie de l’arrivée d’Agamemnon. On voit qu’on trouve tout dans le vieil Homère, même la télégraphie optique militaire. Je montrerai peut-être quelque jour, à propos du soi-disant cheval de Troie, qu’on y trouve même des procédés de sape et de mine que certains ingénieurs croient très modernes, ayant le tort de faire dater l’esprit inventif de la fondation de l’École polytechnique… Mais revenons à nos projecteurs.

Leur usage n’est pas moins important sur terre que sur mer, et tous les bâtimens de guerre en sont abondamment munis. On sait, assez pour que nous n’ayons pas besoin d’y insister, quel rôle essentiel ils ont joué dans toutes les rencontres navales et aussi dans ces combats unilatéraux que sont les torpillages d’inoffensifs vapeurs, depuis le début de la campagne.

Enfin la guerre aérienne sous toutes ses formes a ouvert un nouvel empire à l’activité des projecteurs de lumière. Sans eux, la défense des places contre les bombardemens nocturnes des avions serait impossible ; sans eux également, l’Angleterre et la France se fussent trouvées livrées sans riposte possible aux raids destructeurs des zeppelins. Si ceux-ci sont aujourd’hui extrêmement vulnérables au tir des canons et aux bombes incendiaires des avions de défense, c’est uniquement parce que canons et avions peuvent, grâce à l’éclairage du monstre par les projecteurs, diriger et régler leurs coups.

À ce propos, on a souvent proposé de fixer le projecteur sur les pièces de canon elles-mêmes et solidairement avec elles, pensant résoudre ainsi le problème du tir nocturne. Mais cette disposition serait inefficace et nuisible : inefficace, parce qu’il ne suffit pas de diriger la ligne de mire d’une arme vers le but pour atteindre celui-ci, puisque la hausse qui dépend de la distance fait au contraire que pour l’atteindre on dirige la pièce vers un point différent ; nuisible, parce que, lorsqu’on est placé immédiatement derrière un projecteur en action, on voit beaucoup moins bien les objets éclairés par lui que, lorsqu’on est placé latéralement et à une certaine distance. Cela provient de ce que la lumière du faisceau est diffusée par les poussières et particules en suspension dans l’air, — et que tout le monde