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imprudens qui séjournaient plus que de raison à ces créneaux. Depuis longtemps, nous sommes entrés dans la même voie, mais nous n’aurions jamais dû nous y laisser précéder.

Tapis dans leurs tranchées respectives, les combattans, s’ils étaient forcés, pour surveiller la position adverse, de l’observer directement, devaient lever la tête au-dessus du parapet protecteur. Pour éviter les deux termes également fâcheux de ce dilemme : ne rien voir ou n’être plus protégé, on a créé ou plutôt généralisé d’ingénieux dispositifs qui sont les périscopes : mes lecteurs, j’en suis sûr, sont assez versés dans l’étymologie pour que je n’aie pas besoin de leur expliquer le sens de ce mot.

Innombrables sont les systèmes de périscopes, et il serait fastidieux, sans intérêt, et d’ailleurs indiscret, de les exposer ici. Ils sont tous établis sur un principe vieux comme le monde, que Narcisse déjà connaissait lorsqu’il se complut dans sa propre admiration, et dont tous les romanciers tirent des effets lorsqu’ils font observer dans une glace par un témoin mystérieux les gestes des personnages qui se croient seuls : la réflexion de la lumière.

Dans les maisons flamandes nous avons tous vu, lorsqu’on pouvait encore voyager en Belgique, — quand ce temps-là reviendra-t-il ? — de ces glaces discrètement posées sur l’appui d’une fenêtre au premier étage des maisons et qui permettent au maître de céans de voir sans être vu le visage de celui qui sonne à la porte ; ce miroir ainsi disposé, ce muet défenseur de l’intimité flamande est comme le type des périscopes. Qu’à ce premier miroir on en ajoute un second qui renvoie l’image du paysage dans une nouvelle direction, qu’à ces miroirs on substitue des prismes à réflexion totale, qu’on ajoute sur les trajets des rayons lumineux des lentilles destinées par surcroît à grossir les images et à changer le périscope en lunette périscopique, c’est toujours le même système, système qui consiste à aller cueillir, par le moyen d’un objet réfléchissant, l’image qu’on veut voir sans y risquer dangereusement l’œil lui-même.

C’est aussi une sorte de périscope, cette glace que les chauffeurs fixent sur les montans de leur automobile et qui leur montre les voitures arrivant derrière eux. Enfin le principe périscopique est depuis longtemps et fructueusement appliqué dans certains instrumens astronomiques comme l’équatorial coudé inventé par ce savant à jamais regretté, Maurice Lœwy, directeur de l’Observatoire.