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mensongers ; ce sont « les pièces qui composent le mantelet vertueux dont se couvre la Triple-Entente, qui en a si rudement besoin. » La cause de tout le mal demeure l’avidité anglaise, la trahison anglaise. « Le sang versé dans cette effroyable guerre crie au ciel. La Kultur se voile la face. Mais Clio se dresse, sévère et muette, et son stylet grave dans le livre éternel de l’histoire un seul nom, celui de la nation coupable : l’Angleterre. »


De tant d’imprécations, quelle peut être la conclusion pratique ? Comment les femmes d’Allemagne aperçoivent-elles dans l’avenir leur rôle et leur devoir patriotique ? Il y a chez elles abondance de projets. Les unes s’en tiennent à prêcher à leur sexe la maternité à outrance, telle Mme Lily Braun, — pour sa part mère d’un fils unique, mais qui tient à vilipender les Françaises « qui ne veulent plus d’enfans[1]. » L. Niessen-Deiters préconise d’abord la haine, cela va de soi, puis une vaste association féminine d’espionnage allemand à travers le monde. D’autres vont jusqu’à étudier en détail un plan de « service obligatoire » pour les jeunes filles, solidaire et complémentaire du service militaire des hommes. Il reste un mot à dire de ces rêveries d’après-guerre.

Pour Mme Niessen-Deiters, la tâche des femmes allemandes après la guerre sera de veiller jalousement sur ce précieux patrimoine : la civilisation germanique, les formes de pensée, d’art, de sentiment et d’action qui sont propres à la race allemande. Elles auront à faire la preuve que le peuple allemand, courageux et discipliné, est aussi « l’un des mieux élevés qui soient au monde, » et qu’il mérite, « par sa civilisation autant que par sa valeur militaire, de compter au nombre des peuples dirigeans. » Rien de plus légitime, après tout ; mais il faut voir ce que notre pamphlétaire entend par civilisation, par culture.

Civilisation, culture, ce sera pour elle avant tout la haine de l’étranger, la haine de l’Angleterre en tout premier lieu. Il faudra que les femmes d’Allemagne entretiennent chez elles et chez leurs enfans cette « haine salubre » (Gesunder Hass) qui

  1. Lily Braun, op. cit., p. 52.