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d’ailleurs que jamais un peuple ne disparaît avant d’avoir accompli sa mission. Heureuse croyance, et qui atteste, avec beaucoup d’ignorance en histoire, une confiance touchante aux voies de la Providence ! L’Allemagne, nous le savons, croit avoir tout son avenir, toute sa mission devant elle ; elle ne périra donc point, que ne soit née cette Kultur supérieure « virile au meilleur sens du mot » et dont nous pouvons attendre des prodiges.

Provisoirement, pense Lily Braun, il faut nous consoler de la faillite apparente de certaines causes qui nous étaient chères, auxquelles des femmes assez nombreuses en Allemagne avaient voué leur vie : pacifisme, socialisme, féminisme. Le pacifisme n’est pas mort : il ressuscitera après la guerre, plus fort, plus convaincant, car pour décrire les horreurs de la guerre, les Congrès seront inutiles. Le sentiment général des peuples sera, connaissant, la guerre, d’assurer désormais la paix. Comment Lily Braun semble-t-elle à présent souhaiter la paix perpétuelle, après avoir affirmé que, sans guerre, l’humanité future ne serait jamais « qu’un troupeau de bourgeois repus, » après avoir repris les plus vieux thèmes du pangermanisme à la louange du dieu des combats ? La même contradiction subsiste dans sa pensée au sujet du socialisme : il passe, d’après elle, par une crise d’où il sortira grandi. Un seul de ses postulats a vacillé : l’internationalisme. C’est donc qu’il était chimérique et qu’il y faut renoncer, mais ceci n’exclut pas, pour l’avenir, « l’appui mutuel, la collaboration mutuelle, la fécondation mutuelle qui seront l’une des conditions vitales de l’humanité civilisée » S’agit-il de collaboration internationale ou d’union sacrée ? ce point reste difficile à élucider.

Il est bien clair, au contraire, que le féminisme en tous pays s’est trouvé renouvelé et rajeuni par la guerre ; abandonnant la haine de l’homme qui fait partie d’une doctrine bien périmée, il a trouvé très probablement sa véritable tradition dans le travail, dans l’épanouissement, chez les femmes, de capacités techniques et professionnelles qui leur ont conquis d’emblée, avec le respect des hommes, l’égalité véritable, celle qu’on ne pourra plus leur refuser. La guerre a prouvé que l’Etat a besoin des femmes et qu’elles sont prêtes à le servir, mais que trop souvent leur préparation est défectueuse. Il y aura là un vaste champ de réformes politiques et sociales, dès