Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 38.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

destin ; ils ne voient pas Dieu dans les événemens brutaux de l’histoire : « C’est (donc) de la France qu’on devait attendre le retour de l’Europe à la barbarie. Et plus encore de ces petits États qui, comme la Belgique, ont trahi leur neutralité dès avant la guerre, et sont impuissans, pendant la guerre, à la faire respecter par des moyens légaux[1]. » C’est pour ces motifs que le haut commandement allemand, si chatouilleux sur l’honneur, et les excellens soldats allemands, si pleins de bonhomie naïve[2], ont dû en venir, la mort dans l’âme, à cette triste extrémité : riposter à l’adversaire par ses propres armes, introduire dans une guerre européenne des mœurs toutes balkaniques, ne pas faire de quartier, massacrer, détruire les villes et rendre les communes responsables de tous les actes individuels. « De ce fait, la guerre européenne en pays civilisé prendrait la même forme que montraient déjà les guerres balkaniques : à la conquête succéderaient la dévastation et l’extirpation des habitans[3]. »

Or, la mission éminente de l’Allemagne est justement de sauver en Europe ce qui distingue l’Europe de tous les autres continens : le génie de la race blanche. Ce génie est sans cesse menacé par la barbarie africaine et la barbarie asiatique à la fois. On nous avait déjà dit que les Belges sont des Africains ; nous apprenons maintenant que les Français eux-mêmes sont métissés de sang noir. « A notre gauche, c’est le Contrat social ; à notre droite, le Testament de Pierre le Grand. Nous sentons en France l’influence du désert africain ; en Russie, celle du steppe asiatique[4]. » Pour sauver cet idéal de liberté dans l’ordre, d’initiative dans l’organisation, en quoi consiste le génie des blancs, et qui ne peut fleurir qu’en terre germanique, l’Allemagne devra inaugurer une politique mondiale (Weltpolitik) absolument différente de toutes les politiques connues jusqu’à ce jour. Cette politique ne se proposera pas de conquérir l’hégémonie : l’idée d’hégémonie implique un idéal dépassé, pour lequel se sont épuisés tour à tour tous les grands peuples de l’antiquité ; elle a fait la splendeur et la ruine des Habsbourg ;

  1. Neue Rundschau, novembre 1914, p. 1593.
  2. Nos soldats n’ont pas de Kultur, eux non plus, mais ils ont un bon naturel ; c’est en quoi ils sont supérieurs aux Belges, qui ont perdu par-là le droit d’exister comme État souverain. (Ibid., p. 1594.)
  3. Ibid., p. 1593 et 1591.
  4. Ibid., p. 1593 et 1591.