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Que fait cependant l’Allemagne ? Et que veut-elle ? Elle ne serait plus l’Allemagne prussienne, si elle avait dépouillé sa duplicité et ne s’était ménagé quelque échappatoire. Aussi n’avait-elle pas manqué de s’en réserver une. Pour expliquer son dernier accès de délire, elle s’appuie sur ce que, dans sa note du 4 mai 1916, elle aurait mis les Etats-Unis en demeure d’abord d’obtenir, puis, au moins, de demander que l’Angleterre levât le blocus qui l’affamait. Oui, mais, dans sa riposte du 8, le gouvernement américain lui avait rabattu le caquet. Le blocus anglais est une chose, les torpillages allemands en sont une autre. « De telles affaires sont séparées et non collectives, absolues et non relatives. » Et l’Allemagne avait si bien compris, qu’à son tour elle n’avait pas répliqué, si bien accepté l’injonction, qu’en fait, et pendant plusieurs mois, sa barbarie sur mer parut s’être un peu relâchée. Ensuite, au fur et à mesure que, malgré ses victoires de Roumanie, sa situation empirait, elle s’exaspéra de nouveau, s’énerva, sous l’aiguillon de ses difficultés intérieures, et s’hypnotisa sur l’idée d’arracher la paix aux belligérans par la terreur de la guerre aux neutres. Elle construisit des sous-marins énormes, monstrueux, plus monstrueux, plus énormes et en plus grand nombre encore sur le papier que sur le chantier. Mais, dès l’été, elle en avait au moins un, le Deutschland, qu’elle envoya, pour son baptême, en Amérique. Visite charmante, et dont le gouvernement des États-Unis goûta toute la délicatesse. En même temps, le comte Bernstorff et les quelques centaines d’auxiliaires qui sont, à des titres divers, attachés à son ambassade assaillaient, harcelaient, circonvenaient à qui mieux mieux l’opinion américaine. Ne nous en plaignons pas. Leur indiscrétion ne nous a pas moins servi que la discrétion de nos diplomates, à nous, fidèles à une tradition qui, pour ne parler que des Etats-Unis, s’est perpétuée heureusement de M. Jules Cambon-à M. Jusserand. Nous avons d’autant plus de plaisir, puisque l’occasion nous en est offerte, à leur rendre ce public hommage qu’on a pu, plus d’une fois, leur reprocher de s’être trop effacés. Mais ce n’est pas le seul cas, et Washington n’est pas le seul lieu, où, en s’effaçant, ils ont laissé passer, et où, s’ils s’étaient, au contraire, trop montrés, on se serait peut-être rejeté en arrière. Ne pas se mettre en travers de la force des choses, qui sait si, dans les grandes crises, ce n’est pas le plus fin secret de l’art des hommes ? Quoi qu’il en soit, l’art du comte Bernstorff, qui s’est pourtant mis en travers, n’a abouti qu’à le faire renvoyer, à faire rompre les relations diplomatiques, à amener l’Allemagne, suivant l’expression de M. Lansing, « au bord