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veille, 2 septembre, le maire de Senlis, M. Odent, avait été arrêté par les Allemands, conduit sur le territoire de la commune de Chamant, et fusillé[1]. Le lieutenant-colonel commandant le 27e régiment d’infanterie de réserve arriva vers la fin de la matinée et repartit pour aller inspecter ses autres bataillons, cantonnés au Mont-Pot et à Montgrésin. Six canons furent mis en batterie à l’entrée de Chantilly, au lieu-dit le Coq-Chantant. Les voitures régimentaires, les cuisines roulantes, entrèrent dans le parc. Et les officiers allemands réquisitionnèrent, pour déjeuner sur l’herbe, en plein air, les provisions du personnel du château, tandis que leurs hommes se reposaient sur la pelouse ou prenaient un bain dans les bassins. Sur ces entrefaites arrivèrent deux nouvelles compagnies, avec lesquelles marchait M. Vallon, maire de Chantilly, que les Allemands avaient pris comme otage, et qui montra, dans ces pénibles circonstances, une fermeté attestée par des témoignages publics. Dans l’après-midi, les Allemands procédèrent à des réquisitions de vivres, de vin, de fourrages, de literie. Les salles du musée, la galerie des Cerfs, la grande galerie, furent couvertes d’une épaisse couche de paille, pour le logement des troupes. Les officiers dînèrent dans la petite salle à manger. A huit heures, les ponts-levis furent levés, le pont tournant fermé, la herse baissée. A ceux qui demandaient les raisons de cette manœuvre, les Allemands répondaient : « C’est une forteresse. » M. Elie Berger eut une vive altercation avec un sous-officier qui prétendait loger des chevaux dans le château. Le conservateur eut gain de cause, et les chevaux s’en allèrent aux grandes écuries. Les Allemands, avant de se coucher, avaient annoncé le dessein de rester à Chantilly une dizaine de jours, et de marcher sur Paris. Mais, pendant la nuit du 3 au 4 septembre, un ordre de départ les obligea brusquement à plier bagage et à s’en aller du côté d’Avilly. La bataille de la Marne commençait… Pendant huit jours, les forêts voisines furent visitées par des patrouilles de uhlans et de hussards de la Mort. Puis, dans la nuit du 10 au 11 septembre, les

  1. Rapports et procès-verbaux de la Commission d’enquête instituée en vue de constater les actes commis par l’ennemi en violation du droit des gens, Paris, Imprimerie nationale, tome Ier, p. 185 à 192.