aujourd’hui par la rue de Boulainvilliers, et rebâtie à neuf par les soins de Samuel Bernard, qui n’y avait pas dépensé moins de 300 000 livres, — 1 200 000 de notre monnaie, — la maison comprenait deux corps de bâtimens, reliés par une façade de 48 mètres de long. Il s’y trouvait une chapelle, vaste et couverte de jolies peintures, un théâtre où pouvaient tenir plus de trois cents spectateurs. Des scènes champêtres ou galantes, dues au pinceau de Coypel, ornaient les salons, les galeries. Le parc, dessiné par Le Nôtre, était de quarante-cinq arpens, avec des parterres merveilleux, des serres pleines de fleurs rares, des volières en filigrane d’or où s’ébattaient des essaims, d’oiseaux exotiques. Dans cette demeure se donnaient fréquemment des fêtes, les plus belles de l’époque. Sur le théâtre, on jouait des opéras entiers, avec un orchestre de choix, des chœurs nourris, de ravissans décors. Aux offices du dimanche, dans la chapelle ovale, surmontée d’un dôme lumineux, l’orgue était tenu par Rameau. Ainsi, du profane au sacré, tout enchantait les yeux et les oreilles. La variété des invités, pris avec art dans toutes les conditions, dans toutes les sociétés, avait valu à ces réunions bigarrées un surnom familier : les habitués s’appelaient entre eux la ménagerie de Passy[1].
Quels étaient, de cette ménagerie, les hôtes les plus marquans ? Ou plutôt, pendant cette période, quels étaient, à Paris aussi bien qu’à Passy, les intimes du ménage et les coryphées du salon ? Par droit d’illustration comme par droit d’ancienneté, il faut d’abord citer Voltaire, dont le nom déjà plus d’une fois a paru dans notre récit et qui fut en effet l’un des assidus du logis dans les premières années qui suivirent le mariage de Pollion avec Polymnie. Non content de briller dans le cénacle littéraire de la rue des Petits-Champs, d’encenser en prose et en vers les deux amphitryons, l’auteur de la Henriade envoyait à La Pouplinière les manuscrits de ses poèmes et sollicitait ses avis. Le financier ayant exercé sa critique sur un de ses Discours sur l’Homme[2], Voltaire est plein de gratitude : « Je vous avoue, écrit-il à Thiériot[3], que je suis enchanté de l’action de M. de La Pouplinière. Il y a là un caractère si vrai,