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et appelait Andrassy ; il congédiait aussi le ministre favorable à une entente avec les Tchèques, Hohenwart. C’était reconnaître les faits accomplis. Il put savourer son humiliation en se rendant en septembre 1872 à Berlin, où il passa en revue l’armée de Sadowa et de Sedan. L’entente des trois empereurs, qui date de cette entrevue, est une combinaison d’attente, une garantie de statu quo, tandis que se dessinent les courans nouveaux de la politique européenne. Peu à peu, on voit prédominer en Autriche les combinaisons bismarckiennes ; sous l’inspiration d’Andrassy, la politique de la monarchie se tourne vers les Balkans. Les Hongrois espèrent y gagner un accroissement d’influence, et Bismarck y cherche la consolidation du nouvel état de choses créé en Allemagne par le traité de Francfort, car une politique autrichienne qui descend le Danube vers Belgrade et les pays balkaniques, au lieu de le remonter vers Munich, favorise la Hongrie et rassure la Prusse.

Pour entraîner François-Joseph dans cette voie, ses conseillers employaient l’argument qui pouvait faire sur lui l’impression la plus forte : il avait renoncé à l’Italie, ainsi qu’en témoignait sa visite à Venise le 5 avril 1875 ; les événemens l’avaient évincé d’Allemagne ; s’il tenait à ne pas laisser à ses successeurs un empire diminué, c’est du côté des Balkans qu’il fallait qu’il se tournât. Là, de nouvelles provinces slaves, la Bosnie, l’Herzégovine, ne demandaient, lui disait-on, qu’à accueillir celui qui les délivrerait du joug turc, et ainsi serait agrandi le domaine de la Maison de Habsbourg. C’est sous cet aspect que François-Joseph comprit la politique qu’Andrassy lui fit faire durant la guerre turco-russe de 1877 et au Congrès de Berlin, d’où il rapporta le droit d’occuper et d’administrer la Bosnie et l’Herzégovine. L’Empereur aurait souhaité l’annexion immédiate, mais l’Europe qui avait, à l’instigation de Bismarck et de Beaconsfield, dépouillé la Russie victorieuse, n’osa pas garnir ouvertement les mains de l’Autriche qui n’avait pas fait la guerre. Mais, dès cette époque, la préoccupation d’achever son œuvre en annexant la Bosnie-Herzégovine hanta François-Joseph. Ce fut, à partir de 1878, l’idée directrice, l’objectif de sa politique.


IV

La Triple-Alliance est la conclusion de la crise orientale de 1877-1878 ; elle consolide l’Europe telle que l’a créée et