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lumière des événemens, que le « compromis » de 1867, qui a inauguré le système dualiste, a été le malheur de François-Joseph et de sa monarchie. Son intention fut honorable ; après Sadowa, la politique à suivre était bien de concentrer les forces de la monarchie, d’en former un faisceau solide et résistant et de reprendre, avec toutes ses énergies, la lutte capitale pour la suprématie de l’Europe centrale. La monarchie, allégée du poids mort de la Lombardie et de la Vénétie, aurait pu, à ce moment, se reconstituer sur une base fédéraliste, tout en maintenant au pouvoir impérial une force qui serait allée en s’accroissant, et donner satisfaction aux aspirations de toutes les nationalités, et non pas seulement à celles des Magyars. La monarchie danubienne aurait pu devenir ainsi l’arbitre de l’Europe. C’est ce que la Prusse redoutait par-dessus tout et, chaque fois que François-Joseph parut sur le point d’opérer un rapprochement avec les Slaves, Bismarck intervint. François-Joseph n’a pas compris qu’en traitant en parias un tiers de ses sujets, les Slaves, et en s’appuyant sur les seuls Magyars, il se mettait à leur merci et travaillait directement à l’encontre de son but. Les Magyars n’ont jamais eu intérêt à ce que l’Autriche reprît en Allemagne un rôle prépondérant ; en même temps qu’ils imposaient leurs volontés à Vienne, ils faisaient des avances à Berlin et y cherchaient une contre-assurance. C’est un Hongrois, Andrassy, qui a fait la Triple-Alliance et conduit l’Autriche on Bosnie-Herzégovine ; c’est un Hongrois, Etienne Tisza, qui a provoqué la guerre actuelle, d’accord avec l’Allemagne. En se mettant à la discrétion des Hongrois en 1867, François-Joseph s’est privé des trésors de loyalisme qu’il aurait pu trouver parmi tous les peuples de son Empire ; il a irrémédiablement manqué l’occasion de faire une réalité vivante de la double devise de son Empire : Viribus unitis et Juslitia regnorum fundamentum.

Telle a été l’erreur capitale de François-Joseph ; elle l’a amené, dans la dernière partie de son règne, à suivre une politique probablement contraire à ses sentimens et à ses intentions. En tout cas, durant les quatre années, — décisives pour l’histoire de l’Europe jusqu’à 1914, — qui vont de Sadowa à Sedan, les tendances de sa politique, conformes à ses sentimens intimes, sont nettement hostiles à la Prusse. A la Cour et dans l’aristocratie, la haine de la Prusse est intense et les Français reçoivent à Vienne l’accueil le plus amical. Chez l’Empereur, le désir