Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/767

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prodigalité. Du côté français, l’élan des troupes, leur entrain, leur mépris de la mort, leur volonté de ne pas céder furent poussés jusqu’au plus dangereux excès. Il n’est pas douteux que l’esprit d’offensive mal réglé et mal contenu, chez les officiers comme chez les soldats, fut une des causes de nos revers.

Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, à tous les rangs de l’armée, et même les chefs les plus expérimentés, tout le monde aborda la lutte dans une disposition optimiste extrême. Nous avons de nombreux témoignages précis à ce sujet : un général de cavalerie disait, au moment où s’engageait la bataille : « La cavalerie allemande se refuse au combat ; l’infanterie chemine très adroitement sans être vue à travers les avoines et les blés, mais tire mal. L’artillerie ne produit aucun effet ; l’obus en éclatant fait éternuer : un point c’est tout ! » L’appréciation suivante est formulée dans un rapport relatif au brillant combat de Neufchâteau : « Ce combat était, pour la brigade, le premier de la campagne ; les bulletins de renseignemens, communiqués aux troupes les jours précédens, leur avaient donné le sentiment très net de leur supériorité. Entraînées par des officiers de tout premier ordre, les troupes, dont il eût fallu au contraire, modérer l’ardeur, furent admirables d’entrain, de courage et de vaillance. Mais l’ennemi eut beau jeu contre un adversaire qui avançait sur lui avec le mépris du danger, négligeant les mesures de prudence qui auraient sensiblement diminué le chiffre des pertes. »

Les pertes, en officiers surtout, furent terribles. Pour ce qui est des officiers, le mépris et la méconnaissance du danger réduisirent leur nombre dans de grandes proportions.

Mépris du danger d’autant plus grave qu’il conseille les entreprises téméraires et néglige les précautions indispensables. Il est exact de dire que, dans les premiers jours de la campagne, le fantassin français ne voulait connaître d’autre arme que la baïonnette. On déclenchait des charges folles à 1 500 mètres de l’ennemi sans préparation d’artillerie.

On avait demandé beaucoup à la cavalerie : elle fit beaucoup. On lui avait attribué un rôle auquel ses forces ne pouvaient pas suffire par les chaleurs accablantes qui éreintaient les hommes et les chevaux. On lui donnait la double mission d’éclairer au loin et de combattre ; c’était beaucoup. Les hommes encore peuvent