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entre la masse de nos armées groupées vers les Ardennes et la 5e armée agissant sur la Meuse et la Sambre. De ces trois avantages, celui qui frappe pour le moment le commandement français, c’est la possibilité de se jeter sur le flanc de l’ennemi opérant en Belgique. N’est-il pas possible, puisqu’on occupe en forces la frontière du Luxembourg belge et du duché, de piquer droit au Nord, de déchirer le rideau de troupes tendu sous les ombrages des Ardennes et, en marchant soit sur Liège, soit sur Namur, de surprendre les armées allemandes en pleine course et de les couper de leur base d’opérations, Aix-la-Chapelle ? En un mot, foncer sur le centre des armées allemandes, tandis que nos armées les contiennent sur les deux ailes, d’une part en Lorraine, d’autre part sur la Sambre, tel est le nouveau projet du haut commandement français, projet que les faits et les ordres révèlent. On comprend ainsi l’importance que prend à ses yeux le front des Ardennes et des deux Luxembourg.

L’exécution de ce plan n’allait pas sans de grands risques : mais la situation était telle que, de toutes façons, il fallait risquer quelque chose. Sans qu’on fût encore exactement renseigné sur l’importance des forces allemandes dans cette région, on en savait assez pour les deviner puissantes. Devrait-on les laisser choisir leur heure pour frapper le coup dont elles nous menaçaient, soit en achevant ce mouvement d’Est en Ouest qui les portait sur la Meuse, soit en se contentant d’une marche soudaine sur Verdun ?

L’une des plus grandes difficultés que devait rencontrer l’offensive française dans cette région tenait à la nature du pays. Qui dit « Ardennes » dit région boisée. Or le champ d’opérations qui se présentait, d’abord, aux armées françaises était, pour ainsi dire, un sous-bois continu. Les Allemands avaient singulièrement profité de l’avance que leur avait donnée l’occupation félonne du Luxembourg et de la Belgique : ils avaient tout organisé, tout repéré ; et puis, à la faveur des bois, ils avaient admirablement dissimulé la force réelle de leurs armées. C’était là la vraie « surprise, » depuis longtemps méditée : « Nous arrivons à Somme-Thonne, premier village belge, dit le Carnet d’un artilleur ; une vieille femme nous raconte que voilà quelques jours, elle a vu un combat entre uhlans et chasseurs à cheval. Comme nous lui disons que, maintenant, notre présence doit la rassurer, elle nous répond : « Vous ne