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ne reconnaît dans la monarchie des Habsbourg que deux organismes historiques et politiques autonomes, l’Autriche et la Hongrie, et qui livre les Tchèques aux Allemands et les Slovaques aux Hongrois, avec les Croates et les Roumains. Cependant, le 26 septembre 1870, pour la troisième fois, François-Joseph confirme « de nouveau, par écrit et inviolablement, au royaume de Bohême l’indivisibilité et l’inaliénabilité de son territoire, » ainsi que son intention de se faire couronner à Prague. Il s’agissait, cette fois, d’obtenir des Tchèques qu’ils consentissent à se faire représenter au Parlement de Vienne. Les Tchèques eurent l’imprudence de croire à la parole impériale ; ils cédèrent, et les promesses furent oubliées.

Par le rescrit impérial du 12 septembre 1871, inspiré par le comte Hohenwart, nouvel et solennel engagement : « Ayant dans Notre mémoire la situation constitutionnelle indépendante de la couronne tchèque et ayant conscience de la gloire et de la puissance que cette couronne a apportées à Nous et à Nos ancêtres, Nous rappelant en outre la fidélité inébranlable avec laquelle la population des pays tchèques a appuyé à chaque moment Notre trône, Nous reconnaissons volontiers les droits de ce royaume et Nous sommes prêt à renouveler cette reconnaissance par Notre serment de couronnement. » Mais des influences magyares agirent sur l’Empereur ; Bismarck lit craindre à Beust le mécontentement de l’Allemagne et des Allemands d’Autriche. Sous cette double poussée, le compromis tchèque fut abandonné, et Hohenwart succomba comme succombera Badeni en 1897 pour avoir promulgué les fameuses « ordonnances bilingues. » Chaque fois qu’il s’agit de faire aux Slaves dans l’empire la part et la place auxquelles ils ont droit, la même coalition germano-magyare intervient : l’Empereur capitule.

François-Joseph ne fut jamais couronné roi de Bohême dans la cathédrale du Hradschin ! On est tenté d’écrire ici le mot magnifique que Balzac, dans le Médecin de campagne, met dans la bouche du vieux soldat de Napoléon : « Ça manquait à sa parole trois fois par jour, et ça se disait des princes ! » Chaque fois que l’Empereur, oubliant ses promesses, trompa les espérances de la Bohême, il eut le cynisme de punir le mécontentement des Tchèques en faisant peser sur eux un régime odieux de terreur policière. On comprend, après de telles déceptions, quelle pouvait être parmi les Tchèques la