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ses conceptions religieuses. Quant au cardinal Puzyna, c’était un zélé fonctionnaire de l’Etat autrichien, qui, de l’administration préfectorale, où il avait d’abord servi, était passé dans l’administration épiscopale, où la faveur de la Couronne lui avait valu un brillant avancement ; sa mentalité était restée, sous la pourpre romaine, ce qu’elle était sous l’habit de Cour du haut fonctionnaire ; il est mort sans avoir compris pourquoi son intervention avait froissé le Sacré-Collège et scandalisé l’Eglise universelle : et cela suffit à caractériser l’état moral du clergé austro-hongrois. On se demande, en présence d’un règne comme celui de François-Joseph, si, pour le bien des âmes, l’Eglise catholique a plus à gagner ou plus à perdre en conservant, dans les conditions onéreuses où elle l’obtient en Autriche, l’illusoire et étouffante protection des princes, qui risque d’éloigner d’elle l’adhésion spontanée des peuples.

Dans cette brève analyse des ressorts essentiels qui font mouvoir la lourde machine du gouvernement des Habsbourg, nous n’avons fait aucune place aux Parlemens ; leur importance est, en effet, plus apparente que réelle. En l’absence d’un parlement central, deux parlemens, celui d’Autriche et celui de Hongrie, dix-sept diètes, dont plusieurs figurent la représentation de nationalités qui prétendent à l’autonomie, constituent un organisme trop compliqué et trop disparate pour qu’en lui réside la réalité du pouvoir législatif. Parlemens et diètes sont des organes de gouvernement local ; ce sont surtout des soupapes de sûreté par où s’épanchent en discours les aspirations des peuples et les revendications des classes. Autoritaire par instinct et par volonté réfléchie, François-Joseph s’est cependant accommodé volontiers du régime constitutionnel ; il y a rencontré parfois des oppositions, jamais d’obstacle sérieux, souvent un appui utile aux intérêts dynastiques. Les parlemens lui ont servi à opposer les uns aux autres les intérêts des diverses nationalités de l’Empire, à émietter en partis les représentations nationales, à diviser pour mieux régner. Il a même concédé à ses peuples cisleithans le suffrage universel ; les nationalités ont cru trouver dans cette concession une satisfaction ; en réalité, le Reichsrath issu du suffrage universel, — d’un suffrage universel savamment aménagé pour assurer la majorité aux Allemands et aux Polonais, — ne s’est montré ni plus ni moins maniable que ceux qui l’avaient précédé et qui étaient issus du