l’ignorance. Ne pouvant rien produire avec peu, elle se jette dans l’abondance, où elle reste ensevelie. »
Ailleurs enfin, cette maxime résumerait assez bien l’esthétique du vieux maître : « Soyons forts de vérité, l’orchestre fournira toujours au gré de nos désirs. »
Mais, selon Grétry, toute vérité n’est pas bonne à dire, encore moins à chanter. La vérité qu’il aimait n’a rien de farouche, ou seulement de sévère et de rude, encore moins de grossier. Rappelez-vous son mot sur « les passions exaspérées » auxquelles il s’excusait de ne rien entendre.
Fidèle et dévoué serviteur du vrai, ce musicien véridique entre tous fut pourtant le moins réaliste des musiciens. A mainte reprise, il expose, dans le goût et le style de son siècle, son idéalisme innocent : « S’il est pour les arts des tableaux insusceptibles d’aucune grâce, évitons de les reproduire : ils n’offrent aux sens que des images abjectes. De deux musiciens qui auraient à peindre le lever de l’aurore, si l’un, à travers le bruit du zéphyr et le murmure des ruisseaux, nous faisait entendre le chant des oiseaux ; si l’autre, pour être encore plus vrai, y joignait le grognement du porc et tout le bruit matinal d’une basse-cour, le premier, quoique ayant retranché la moitié de la vérité, mériterait des éloges ; il ne rappellerait aux auditeurs que des sensations aimables ; la rose, le jasmin parfumeraient l’atmosphère pendant la succession de ses tableaux, tandis que l’autre, par sa vérité rustique, ne leur rappellerait que l’odeur du fumier. »
Génie idéaliste, encore une fois, optimiste par excellence, Grétry entendait pour ainsi dire les choses, comme d’autres les voient, en beau. Non seulement de la musique en soi et de sa nature, de son rôle ou de sa mission, mais de tout ce qui s’y rapporte, il ne se formait que des représentations agréables. Avant un de nos contemporains, — n’est-ce pas Brunetière ? — il eût dit volontiers : « Là où il n’y a pas de charme, il n’y a pas d’art. » Dans son art, autour de son art, Grétry voulait que tout fût charmant.
« C’est dans les beaux jours du printemps que je composai le Tableau parlant, et je puis dire que pendant deux mois, chanter et rire fut toute mon occupation. » Plus loin : « J’ai remarqué en général que les ouvrages que j’ai composés dans la belle saison se ressentent de son influence : le Huron, le