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cette manière agréable d’apprendre à la fois à chanter en s’inculquant pour jamais les dogmes sacrés de la société est d’un avantage inappréciable. Nos saintes lois mises en chant, en chant facile et mélodieux, seront bientôt répétées de bouche en bouche et de la France elles passeront dans toute l’Europe. » Voyez-vous, entendez-vous, « mises en chant, » nos « saintes lois ! » celles de 1794 ! Tout de même, comme paroles « ô Richard, ô mon Roi !  » faisait mieux.

Mieux valent aussi d’autres considérations, plus modestes, sur les rapports de la musique avec d’autres objets que la politique : avec le théâtre, par exemple, mais cette fois avec le matériel et le personnel du théâtre, avec l’architecture de la salle et le caractère des chanteurs. « On ne cesse de faire et de nous demander de grandes salles de spectacle. Si j’étais entrepreneur, je dirais à mon architecte : « Songez qu’il ne s’agit point ici d’un monument uniquement fait pour être vu et pour produire un grand effet à l’œil. L’essentiel est qu’on entende parfaitement tout ce qu’on dira sur la scène. Si votre vaste monument ne laisse point entendre une musique douce, la voix d’une femme, celle d’un enfant ; si l’on y perd la moitié des vers de Racine, dont on ne veut pas perdre une syllabe, à quoi servira votre vaste monument ?… Je veux, au spectacle, voir et entendre de reste. Si je ne vois point le jeu de physionomie des acteurs, s’il faut qu’un mot me fasse deviner l’autre, il n’y a plus de plaisir, et partout où l’on va pour le trouver, si on ne le trouve pas, on ne rapporte que l’ennui. »

Dans le même ordre d’idées, Grétry, sur certains points, a devancé Wagner : « Je voudrais que la salle fût petite, répète-t-il, et contenant tout au plus mille personnes. » Et il ajoute : « Qu’il n’y eût qu’une sorte de places partout ; point de loges, ni petites, ni grandes ; ces réduits ne servent qu’à favoriser la médisance, ou pis encore. Je voudrais que l’orchestre fût voilé et qu’on n’aperçoit ni les musiciens, ni les lumières des pupitres du côté des spectateurs. L’effet en serait magique, et l’on sait que, dans tous les cas, jamais l’orchestre n’est censé y être. »

Que de vœux encore a formés Grétry, que de regrets, que de plaintes, — inutiles, — et que, depuis Grétry, les musiciens expriment toujours ! « Un air pur et fait par un habile homme n’est susceptible que de légers changemens, » — et encore ! —