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la police se fait la conjonction de toutes les branches de l’administration ; par elle s’établit, entre les innombrables fonctionnaires qui endorment l’Autriche sous un déluge de paperasserie, une solidarité instinctive qui les arme tous — sans excepter le clergé — contre l’audacieux qui attaque leurs privilèges et sape les bases de leur influence lucrative.

L’Église, dans la monarchie des Habsbourg, est avant tout un département de l’État. Ainsi l’avait souhaité, au XVIIIe siècle, l’Allemand Justus Febronius ; ainsi l’avait réalisé, au nom de la philosophie des lumières, Joseph II, l’empereur ami des encyclopédistes. De fait, sous le régime joséphiste, le clergé, soustrait à la direction vivifiante du Saint-Siège, se trouvait sans défense en face de l’omnipotence de L’État ; il s’en remettait à la Couronne de la conservation de ses privilèges et de ses richesses, et la Couronne en échange exigeait qu’il mît à son service son autorité morale et l’attrait pompeux de ses cérémonies. Mais, derrière cette façade trompeuse, grandissaient dans la bourgeoisie des aspirations libérales et s’exaltaient les passions révolutionnaires du peuple ; les unes et les autres tirent éruption en 1848. François-Joseph, sous l’inspiration de son ancien précepteur le cardinal Rauscher, sentit la nécessité, dans l’intérêt de la Couronne et de la paix publique, d’infuser un sang nouveau à l’Église en lui rendant une ombre d’indépendance et en renouant ses liens avec Rome ; ce fut l’objet du Concordat de 1855 ; il rendait à l’Église juridiction sur l’éducation, le mariage, sur les actes de la vie sociale qui intéressent directement la vie morale. Les dispositions du Concordat se heurtèrent aux habitudes joséphistes du clergé et aux traditions policières de la bureaucratie. Une partie du clergé séculier et régulier craignit, s’il cherchait un appui du côté du Saint-Siège contre les empiétemens de l’État, de subir le contrôle que ses mœurs, corrompues par la richesse, rendaient particulièrement nécessaire. L’État, lui, redoutait qu’un clergé trop zélé pour le bien des âmes ne cessât bientôt d’être un instrument docile de la Couronne et de la bureaucratie. L’esprit joséphiste continua donc de régner dans l’Église officielle austro-hongroise. Le grand Léon XIII sentait bouillonner de saintes colères dans son âme véhémente quand il pensait à ces évêques trop riches, à ces couvens trop luxueux ; son ardeur évangélique eût souhaité d’introduire plus de vie chrétienne et plus