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elle près de 250 millions sterling d’or (6 milliards et quart de francs). Mais on sait que, par ses conventions avec les alliés, si elle opère pour leur compte de nombreux paiemens extérieurs, la France et la Russie lui ont remis en revanche d’assez grosses quantités de métal jaune ; et comme d’ailleurs elle continue de recevoir chaque année environ 60 millions sterling d’or de ses mines coloniales, les deux tiers de la production d’or du monde, on ne s’étonne pas de constater que le stock d’or de la Trésorerie était, en septembre 1916, de 45 millions de livres supérieur à ce qu’il était au début de la guerre. Non seulement le crédit extérieur du Royaume-Uni a été maintenu, et partant sa faculté d’achat au dehors ; mais, seule de toutes les Puissances en guerre, l’Angleterre a réussi à maintenir chez elle la liberté de l’or. Alors que tous les États belligérans ont dû recourir au cours forcé à l’intérieur, la Banque d’Angleterre n’a cessé de rembourser ses billets en or à première réquisition. C’est là, après plus de deux ans de guerre, un succès qui fait honneur à la puissance financière du pays comme à la ferme maîtrise de ses dirigeans.

Et c’est ce qui peut donner confiance à nos amis d’outre-Manche dans l’avenir du marché de Londres comme centre financier du monde. Certes, la guerre actuelle changera bien des choses. Les États-Unis, les « grands neutres, » ont profité et profitent encore de la guerre d’une façon inouïe. On a calculé que la balance commerciale leur rapporte quelque chose comme 200 millions de dollars par mois. Ils auraient déjà, à la fin de 1915, racheté à l’Europe pour 1 200 à 1 500 millions de dollars de leurs valeurs ; pays débiteur de l’étranger autrefois, ils deviennent pays créancier. Tous les changes sont en leur faveur. Leurs entrées d’or auraient atteint 420 millions de dollars en 1915, et 400 millions pendant les dix premiers mois de 1916, menaçant, disait dernièrement un banquier américain, « de submerger le pays sous sa propre prospérité. » Leur épargne annuelle est estimée à un milliard et demi de dollars. En face d’une Europe affaiblie et endettée, les États-Unis, récens initiateurs et futurs bénéficiaires du panaméricanisme financier, n’arracheront-ils pas à l’Angleterre la primauté de la richesse, le sceptre de l’argent ? Déjà s’établit à New-York un marché d’escompte international ; on vient de modifier la loi fédérale sur les banques pour le favoriser.