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pouvant plus nous, les payer. Et nous aboutirons, — trop tard, — au même résultat, avec cette différence que nous n’aurons pas eu le bénéfice matériel de l’épargne faite en temps utile, et que d’autre part la hausse des prix, dont nous serons pour notre petite part responsables, aura fait pâtir lourdement, et injustement, les classes pauvres.

« De quoi faut-il nous priver ? De toute consommation de luxe, d’abord. Et aussi de tout ce qui n’est pas strictement nécessaire, à chacun suivant sa condition, pour l’entretien de ses facultés dans l’accomplissement de ses devoirs d’état. Epargner, tout le monde le peut, les plus pauvres seuls exceptés. A chacun de le faire, selon ses moyens, et sous sa responsabilité.

« Voulez-vous d’ailleurs, en économisant, faire d’une pierre deux coups ? Portez l’argent de vos économies au Trésor. Vous rendrez ainsi double service au pays : d’une part, vous libérerez pour la guerre, vous donnerez à la guerre, des matières et du travail, — elle en manque ; — de l’autre, vous fournirez à l’Etat du crédit pour payer ces matières et ce travail. A la vertu patriotique de l’épargne, ajoutez celle de la générosité patriotique. Portez votre argent au Trésor. — Mais je n’ai que deux sous. — Portez-lui ces deux sous.

« Que d’objections, de pauvres objections ne fait-on pas à la thèse de l’économie nécessaire ! L’un dit : l’effort isolé est vain. Piètre argument, que nos jeunes gens auraient pu opposer à lord Derby qui les invitait à s’enrôler dans l’armée nationale ; ils se sont bien gardés d’en user, sachant que l’action commune n’est que la somme des actions individuelles. — Tel autre craint pour le commerce et l’industrie, soi-disant menacés par la campagne des économies. Mais partout le chômage a fait place au manque de bras, et si certaines industries souffrent, la plupart sauront compenser leurs pertes en travaillant pour la guerre ou l’exportation. — Les salariés pensent : « C’est aux riches à économiser ; la hausse des prix nous rend, à nous pauvres gens, la vie déjà assez lourde. » A quoi l’on peut répondre que chacun doit faire ce qu’il peut, sans se leurrer soi-même par ce triste prétexte que « c’est au voisin à commencer. » — Tout le monde clame enfin : « Que le gouvernement donne l’exemple ! Il jette l’argent par les fenêtres, tout en nous prêchant l’épargne ! » Ici, nous sommes d’accord. Mais de ce que le gouvernement a le tort d’être prodigue, — encore a-t-il une