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importation non indispensable et tout luxe. Le premier devoir du citoyen est actuellement de pratiquer l’économie la plus rigide et de supprimer toute dépense inutile : ce n’est qu’ainsi que nous supporterons l’épreuve. » Et encore : « Il faut que, selon le mot populaire, nous coupions notre habit à la mesure de l’étoffe. » Nombre de voix autorisées firent, au Parlement, écho à celles des ministres. Sur l’invitation du chancelier de l’Échiquier, les députés, les comités électoraux organisèrent en province des tournées de propagande où la nécessité de l’épargne fut prônée, en même temps que celle des enrôlemens, par des conférenciers qui, gens riches d’ordinaire, connus, cossus, venus confortablement en auto, avaient quelque peine à faire goûter à leur auditoire les beautés du thrifty lunch, du repas économique. En décembre, dix-huit grands banquiers de Londres lancèrent un manifeste invitant chacun à concourir à « financer » la guerre, à préserver et à accroître les ressources du pays, avec cette conclusion : La nation doit s’abstenir d’acheter, de consommer les choses non essentielles dans toute la mesure possible. Enfin, le 29 février dernier, une grande réunion officielle « pour l’économie » se tint à Londres, au Guildhall ; M. A. Balfour, l’ancien leader unioniste, montra que le sacrifice national ne pourrait être que la somme des sacrifices personnels de chaque citoyen, du plus riche au plus pauvre ; et le ministre de la Guerre, lord Kitchener, — dont ce devait être la dernière manifestation publique, — faisant appel, au nom de l’armée en campagne, à cette armée des civils dont les soldats dépendent pour tout ce dont ils ont besoin, munitions, vivres, etc., adjura les assistans en termes émus : « Nous n’avons que cette alternative : ou bien la population civile se privera, ou bien nos soldats manqueront de l’indispensable. Choisissez. Je suis sûr qu’il suffira que ceci soit bien saisi pour que chacun applique tous ses efforts à remplir ce qui est clairement un devoir vis-à-vis de l’armée… Pour qui ne peut aller au front ni à l’usine, le seul moyen de fournir sa contribution est de consommer le moins possible de choses non indispensables, de manière à laisser disponible le plus possible de matières premières pour la guerre. » Faut-il ajouter qu’à la sortie, le luxe des autos, des voitures et des valets de pied, manœuvrant sous le bâton blanc des policemen, faisait un tel contraste avec ce qui était l’objet de la réunion, la