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des deux départemens. Puis la même main qui s’étend pour frapper s’étend aussi pour payer le salaire. Le 27 juin 1793, la Convention décrète de nouveau, en termes solennels, que « le traitement des ecclésiastiques fait partie de la dette publique. »


IX

Salariés, les prêtres constitutionnels le sont encore, quoique déjà avec de longs retards et de remarquables oublis. Mais pour le reste, tout échappe. Il y a les bons qui se consument en d’impuissantes colères. Il y a les pervers qui de plus en plus s’avilissent. Entre les deux, il y a les faibles. Ceux-ci se dépensent en bassesses pour garder, à force de concessions, quelque reste de faveur. Tantôt par un langage larmoyant, emphatique et servile, ils tentent d’apaiser les autorités locales ; tantôt ils se tournent vers les clubs, essayent de se souder à eux, de les gagner par de menues attentions, d’obtenir de la sorte un sursis : ainsi se montre Gouttes, évêque d’Autun, qui, dans sa ville épiscopale, s’abaisse jusqu’à faire, à titre de secrétaire, la correspondance de la Société des sans-culottes. Mais nulle complaisance désormais ne profite, et les Jacobins de Saône-et-Loire disent dédaigneusement du prélat : « Notre évêque s’agite comme une poule qui a perdu ses poussins. »

En descendant à l’état de persécutés, les prêtres constitutionnels gardent encore, chose étrange ! des aspects de persécuteurs. Tandis que déjà on les menace eux-mêmes, d’autres se rencontrent qu’on menace en leur nom. La nouvelle Église, déjà proscrite, conserve aux yeux des sectaires une dernière utilité : elle sert à molester l’ancienne Église. En fouillant les cartons des Archives, on découvre des documens qui déconcertent. En Alsace, pendant l’automne de 1793, une institutrice et un journalier de Soultz sont arrêtés. Quel est leur crime ? « Ils n’ont, dit la feuille d’arrestation, manifesté aucun attachement aux prêtres assermentés. » Neuf ouvriers de la même commune sont pareillement mis en détention « pour n’avoir pas suivi le culte du curé constitutionnel. » Dans le même temps, quinze habitans d’Oshoffen, deux habitans de