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vertueux, instruit, modeste. A Toulouse, Sermet, ancien dominicain, quoiqu’un peu ridicule par son étalage de luxe, quoique entaché de puériles vanités, est orateur disert, théologien solide, prêtre influent et méritant de l’être. Dans les Landes, Saurine donne l’exemple de la sagesse, de la charité, et il a fourni naguère la mesure de sa tolérance en réclamant le maintien des sœurs de charité qui avaient refusé de le reconnaître. Cependant, dans l’Ouest, un homme émerge au-dessus de ses collègues ; c’est Lecoz, évêque métropolitain de Rennes, personnage à qui l’on ne peut guère reprocher que quelques illusions vaniteuses et un excès d’ambition. Il semble qu’il ait adhéré avec une sincérité entière à la Constitution civile. A l’Assemblée législative, il a montré d’abord quelques faiblesses et même quelques intolérances, puis il s’est ravisé ; on l’a vu défendre avec vaillance les congrégations enseignantes et, fièrement, il a gardé jusqu’au bout son costume ecclésiastique. Est-il le plus considérable parmi les évêques constitutionnels ? On pourrait en juger de la sorte, si un autre prélat, Grégoire, évêque de Blois, ne paraissait mériter le premier rang par l’ardeur opiniâtre de sa volonté et surtout par son courage. De Grégoire, on dira peu de chose ici ; car c’est dans les années suivantes que cet homme apparaîtra dans toute l’ampleur de son rôle. A l’époque où nous sommes, un trait le distingue de ses collègues. Tandis que ceux-ci s’affligent secrètement pour la monarchie détruite en même temps qu’ils craignent pour la religion, lui, par un singulier contraste, piétine sur la royauté autant qu’il défend l’autel. Il juge, suivant ses propres expressions, « que l’histoire des rois est le martyrologe des peuples. » « Quand la royauté fut abolie, écrira-t-il plus tard en ses Mémoires, ma joie fut telle que j’en perdis pendant plusieurs jours l’appétit et le sommeil. » Cependant, à l’époque du procès de Louis XVI, il s’est trouvé en mission, et cette absence l’a soustrait à l’embarras de voter. Celui qui, avec véhémence, ne veut plus de roi, travaille avec la même ardeur à la survivance de l’idée religieuse. De l’Eglise constitutionnelle, de celle-là seulement, — car il écarte systématiquement l’autre, — il a fait sa chose ; il en est le croyant, le dévot, l’adorateur obstiné, intraitable, jusqu’à l’intransigeance, et capable peut-être, pour la défense de sa foi, de se hausser jusqu’au martyre.