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vaine. Les catholiques se révoltent en un formidable élan de réprobation. Ils jugent toute paix dérision, toute douceur hypocrisie, toute transaction mensonge, et s’indignent contre ces novateurs, à la fois timides et effrontés, qui parlent d’accorder le pardon au lieu de le demander. Quand les intrus étendent les mains pour bénir, nul ne s’incline ou ne s’agenouille. Devant eux, le troupeau fidèle s’écarte. Ils prêtent l’oreille : un mot se murmure, celui d’apostat. À ce mot ils tressaillent, avec une colère qui interrompt soudain leurs homélies, peut-être aussi avec un remords qui ne s’avoue pas. Cependant ils se rassurent, veulent se rassurer ; ils se laissent dire, ils se persuadent que la réprobation n’est que celle d’une minorité. En outre, ils se sont promis d’être charitables. Donc ils font effort et refoulent leur ressentiment. Le lendemain, ils entendent de nouveau la même clameur, cette fois plus éclatante et plus nourrie. Voici qu’aux insultes succèdent les brochures. Elles empruntent aux saints livres leurs plus âpres images et dénoncent les « loups ravisseurs, » les « chiens enragés, » les « ouvriers d’iniquité. » Puis, contre les nouveaux venus se déverse le flot des moqueries. Si, comme Rodrigue, évêque de la Vendée, ils ont fait leur entrée en vrais curés de village et montés sur une petite mule, on raille avec mépris leur mesquinerie ; si au contraire ils s’entourent de pompe, comme Sermet à Toulouse, on crie à l’ostentation. S’installent-ils dans le palais épiscopal ? On juge leur personnage bien petit pour passer sous une si haute porte. Descendent-ils modestement au séminaire ? On observe avec un surcroît de malveillance que par cette humilité ils se font justice. Tout passe au crible, la naissance, la doctrine, les mœurs, les goûts, les habitudes, les relations, les amitiés. Rien n’arrête, tout excès semblant vertu puisque la cause est, dit-on, celle de Dieu. Cependant les intrus partent pour visiter leur diocèse, mais déjà avec une patience lassée. Ce qu’ils ont vu au chef-lieu, ils le retrouvent en leurs courses pastorales. Sous les rideaux à demi soulevés, on regarde passer leur cortège, mais sans s’y mêler ; autour des églises, les plus vertueux des prêtres tiennent leurs volets clos ; au fond de leur monastère, les religieuses ont verrouillé leurs portes ; de tous côtés, les plus ardentes des dévotes s’agitent en un zèle qui se croit sanctifié. Ace spectacle les intrus achèvent de comprendre. Les résolutions de charité leur échappent. On ne veut point de