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— N’approchez pas, les gars, nous sommes prisonniers !

C’était un piège des Boches, qui avaient gardé ces hommes dans la tranchée depuis l’attaque du 17.

S’il fallait accepter cette version, l’histoire regretterait de ne pas connaître le nom du héros qui prévint ainsi ses camarades et qui paya sans doute de sa vie cet acte à la d’Assas. Mais il semble bien que les choses se soient passées moins dramatiquement et que la 5e et la 7e compagnie, qui avaient fait presque sans pertes un bond de 200 mètres, soient tombées tout à coup sous des feux violens de front et de flanc : la Grande-Redoute, qu’elles espéraient tourner, était continue. Avec la folie du désespoir, nos hommes se jetèrent quand même à l’assaut : presque partout ils se heurtaient à un inextricable réseau barbelé. Dans la cendre du petit jour, à coups de crosse, ils essayaient de s’ouvrir un chemin au travers de ces fils résistans, « gros comme le doigt, » et que notre artillerie avait à peine endommagés, sauf sur la droite, « où des fils avaient été coupés et par où quelques-uns d’entre eux pénétrèrent dans la tranchée. » Mais, « pris en enfilade par une mitrailleuse qui se démasqua, ils furent tués ou faits prisonniers, » et ce sont ces prisonniers que l’ennemi, pour nous tromper, aurait fait monter sur le parapet. Le commandant de Kerros lui-même, qui se trouvait avec l’adjudant-major Lefebvre dans la maison la plus avancée de la tête de pont, d’où il dirigeait l’attaque, donna dans le piège et venait d’envoyer l’ordre à la compagnie Ravel de se déployer, quand il reconnut son erreur : des casques à pointe étaient apparus derrière les bérets. Il fit crier à Ravel par son adjudant-major : « Ne bougez pas. Ce sont des prisonniers. » Ravel s’en était aperçu déjà. La prétendue victoire tournait au désastre : la plupart des assaillans, qui n’avaient pu pénétrer dans la tranchée, s’étaient empêtrés dans le réseau des fils de fer ; Barthal, l’enseigne Sol, blessés, avaient disparu. L’officier des équipages, Le Bolès, ramena en arrière comme il put les débris de la 7e compagnie. De celle du lieutenant de vaisseau Feillet, il ne restait plus que 35 hommes et lui-même, quand une balle, à huit heures du matin, le frappa à la tête au moment où il rentrait dans la tranchée. Outre les chefs des deux compagnies, l’enseigne Sol, l’officier des équipages Raoul, les sous-officiers Julia et Ruet, tués ou portés comme disparus, les lieutenans de vaisseau Lartigue, blessé