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terre demandés : pas de parapet ; aucun écoulement pour l’eau, le fond des tranchées affleurant la nappe inférieure. Les hommes étaient obligés de rester accroupis dans la vase. Patiemment ils vidaient l’eau avec des gamelles ou des marmites en guise d’écopes, mais elle reparaissait à mesure qu’on la vidait. Travail de Danaïdes ! « On se serait cru en mer, dans une chaloupe faisant eau de toutes parts, » écrit un officier. Les postes de commandement, établis sur la rive gauche du canal, dans de petits blockhaus souterrains, n’étaient pas beaucoup plus confortables : un obus avait aux trois quarts démoli, la veille, celui du commandant Conti, manquant de tuer le commandant et blessant son cycliste. Mais le commandant Bertrand, qui remplaçait le commandant Conti aux tranchées du secteur Sud, emmenait avec lui des sapeurs et du matériel. L’attaque fut remise, du reste, au grand dépit des malheureux qui l’attendaient comme une délivrance. Le baromètre, descendu la veille à 3 degrés au-dessous de zéro, avait remonté légèrement, mais il pleuvait, et c’était cette pluie de neige fondue, plus froide encore que la vraie neige. Les couvertures étaient trempées ; les officiers s’étaient fait des sièges avec des seaux renversés. Défense de fumer par surcroît : les figures blêmissaient ; des guetteurs s’affaissaient aux créneaux. Le commandant s’inquiétait et se demandait comment, après trente-six heures d’un pareil régime, ses compagnies pourraient partir à l’assaut. On les fit serrer dans la nuit du 21, à quatre heures du matin, pour céder la place à des troupes fraîches appartenant au bataillon de Kerros.

Ce n’était que prudence. Par ordre du général d’Urbal, commandant la 8e armée, le groupement Hély d’Oissel devait reprendre l’offensive le matin du 22, à six heures quarante-cinq, après dix minutes de préparation d’artillerie, sur les objectifs primitivement indiqués pour l’attaque du 17. Celui de la brigade était toujours la grande tranchée allemande située dans l’axe du pont, à 500 mètres environ de Steenstraete. Le 2e bataillon du 1er régiment et les deux sections de mitrailleuses à qui revenait l’honneur de l’enlever occuperaient dans la nuit, avant six heures, face à l’objectif d’attaque, les tranchées du nouveau front, qui leur serviraient de parallèles de départ ; le bataillon Conti se porterait en réserve pour la même heure sur le plateau Ouest du Kemmelbeke ; le bataillon Bertrand formerait le soutien