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déployer avec prudence et d’établir une liaison immédiate avec la 2e compagnie du 1er régiment et la 10e du 2e régiment « pour leur permettre de maintenir leur avance et de consolider leur situation. » Progresser davantage n’était plus possible. Toute l’artillerie ennemie donnait en rafale[1] : le pont, les passerelles étaient balayés par les obus, ce qui n’empêchait pas l’héroïque aumônier du 1er régiment, l’abbé Pouchard, de s’y risquer en plein jour pour visiter les blessés[2]. Devant nous, à 400 ou 500 mètres, un feu plongeant de mousqueterie partait de la grande tranchée allemande qui était le réduit de la résistance. Large et profonde, couverte par un triple réseau de fils de fer et de chevaux de frise, elle ne paraissait pas pouvoir être enlevée avant d’avoir été battue par une puissante artillerie dont nous ne pouvions obtenir le concours dans la journée même.

Ces considérations décidèrent l’amiral, qui ordonna d’arrêter l’attaque et de se contenter d’organiser définitivement le front conquis. À cet effet, pour faire un parapet aux tranchées bouleversées, il demandait télégraphiquement à l’état-major l’envoi de 6 000 sacs à terre. Impossible de creuser le sol, l’eau émergeant a 50 centimètres de profondeur. Et il fallait en outre relier notre nouveau front aux troupes du 20e corps. Ce nouveau front devait être occupé par la compagnie cycliste, arrivée trop tard pour participer à l’attaque et qui s’était défilée sur la rive droite du canal, la compagnie Merouze (11e du 2e régiment) et la compagnie Le Bigot (6e du 2e régiment). Les bataillons Bertrand (3e du 1er régiment) et de Kerros (2e du 1er régiment) recevaient ordre de conserver leurs positions sur les rives du canal et la tête de pont de Steenstraete ; le bataillon Conti (2e du 2e régiment), moins la 6e compagnie, restait en service de secteur sur le plateau à l’Ouest du Kemmelbeke ; les bataillons Geynet et Mauros rentraient dans leurs cantonnemens de Bosch-Hoek.

Ces divers mouvemens s’exécutèrent sans incident pendant la nuit : les Allemands ne contre-attaquèrent pas et,

  1. « La canonnade et la fusillade ne cessent pas ; les shrapnells et les balles arrivent jusqu’à nous. » (Commandant B…) Le maître fusilier Madec fut ainsi tué dans sa tranchée.
  2. « Vers midi, malgré le bombardement du pont par les Allemands, le brave aumônier du 1er régiment, M. l’abbé Pouchard, vient me voir. Nous sommes bien peu de chose à côté de cet homme-là. On ne saura jamais le courage, la bonté et l’héroïsme de notre aumônier. » (Carnet de route du lieutenant de vaisseau de M…)