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plantons, aux chefs des compagnies, l’ordre de se déployer et de se porter en avant par les trois points convenus : la passerelle Nord (1re et 4e compagnies du 1er régiment, lieutenant de vaisseau Bonnelli et Dordet, adjudant-major, remplaçant le lieutenant de vaisseau Pitous, momentanément empêché) ; le pont de Steenstraete (2e et 3e compagnies du 1er régiment, lieutenans de vaisseau Benoît et de Malherbe) ; la passerelle Sud (10e compagnie du 2e régiment, lieutenant de vaisseau Deleuze).

L’attaque doit commencer à 6 h. 40 par la droite, en liaison avec celle que monte la 11e division d’infanterie. Nous sommes dans les plus longues nuits de l’année ; l’obscurité n’est pas encore toute dissipée, mais, comme il ne pleut pas, le terrain « s’envisage aisément » dans la grisaille du petit jour : c’est « une longue prairie, pas trop détrempée, étendue entre nous et la première tranchée allemande. » Et, au coup de sifflet du capitaine Benoît, la 2e compagnie, préalablement massée à la lisière extérieure, « décolle » avec ensemble. La tranchée allemande s’enflamme presque aussitôt ; nos hommes accélèrent l’allure, soutenus et comme portés par la voix de leur capitaine, qui vient de rouler à terre et qui leur crie dans un flot de sang : « Ça ne fait rien, mes garçons. En avant toujours[1] ! » L’enseigne Lartigue, qui a pris le commandement, arrive sur l’obstacle à pleine charge et l’enlève. Sans s’occuper des prisonniers (une cinquantaine), qu’un cycliste de l’état-major suffira pour conduire à l’arrière, il pousse jusqu’à une maison en ruines où il fait abriter un moment ses hommes. Lui-même profite de ce léger répit pour examiner la situation : à droite, la 11e division semble avoir « progressé comme nous, » mais, à gauche, on ne voit pas clairement « ce qui se passe. » Un officier d’infanterie survient à propos pour donner à Lartigue les précisions qu’il souhaite.

« Certain alors qu’il existe bien un « trou » à sa gauche, dit un témoin, il avance en obliquant de ce côté et, vers sept heures un quart, après avoir franchi un boyau que le fusilier Vitoux s’est offert pour visiter et qui était vide, il arrive, avec une vingtaine de marins et quelques soldats qui se sont ralliés à lui, sur une petite route située à mi-distance entre le canal

  1. Le lieutenant de vaisseau Benoit, qui, de santé très chancelante, avait tenu quand même à reprendre du service, était le fondateur des Éclaireurs de France, plus connus sous le nom de Boy-Scouts.