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fâcheux. « Je n’ai pas de chance, écrit le 12 décembre le commandant Geynet, je suis encore tombé à l’eau. » Sur la demande de l’amiral, une section du génie avait été mise à sa disposition pour coopérer avec les marins à ces différentes améliorations. En même temps, l’amiral faisait remettre de l’ordre dans les unités. Le 1er et le 2e bataillon du 1er régiment (commandans Mauros et Geynet), aux tranchées depuis le 5, n’avaient pu être relevés que le 10 au soir et sous une fusillade assez vive : ils étaient littéralement épuisés. Des hommes pleuraient de misère[1]. Du moins, au cantonnement, quelques douceurs les attendaient : tout un assortiment de lainages, tricots, mitaines, cache-nez, chaussettes, dons de l’Ouvroir Déroulède, de l’Écho de Paris, de l’Intransigeant, qui n’arrivèrent jamais plus à propos. En outre, les cantonnemens étaient munis de braseros. Nouveauté appréciable. « Il ne nous manque plus que des lits et des gentilles soubrettes, » écrivait en plaisantant le commandant Geynet[2].

Pour soulager un peu ses hommes, l’amiral avait demandé que la relève du bataillon de Kerros fût exceptionnellement faite par un bataillon de la 178e brigade territoriale : il n’était pas nécessaire d’avoir là des troupes d’assaut, en raison du calme de la ligne[3]. Le « colonel » Paillet avait remplacé, dans la journée du 11, le colonel Delage au poste de commandement de la défense, qui fut rapproché du canal. Sitôt les batteries installées, plus une batterie à cheval de 75 de la 7e division de cavalerie, nouvellement mise à la disposition de l’amiral[4], celui-ci fit procéder à des tirs de réglage par toute l’artillerie, tirs qui se poursuivirent pendant les journées du

  1. « J’en ai vu près de moi pleurer de froid et de fatigue. » (Journal du fusilier Maurice Oury.)
  2. La même impression se retrouve dans une jolie lettre de Maurice Faivre du 13 décembre : « 2 kilomètres de la ligne. — Une salle de ferme, du feu dans la cheminée… Des obus autour de nous, mais heureusement à l’abri de la pluie ! Enfin, nous avons été relevés, pas pour longtemps, malheureusement. Le froid devient épouvantable, parce qu’il ne gèle que la nuit, et la boue est effrayante. Le capitaine, le lieutenant, le principal et moi, menons une vie de famille et le soir, dans le manteau de la cheminée, le lieutenant nous raconte tant de bêtises et si drôlement qu’il remonte le moral, en nous donnant de ces bons fous rires qui vous font mal. »
  3. « Toutes les nuits on se fusille de part et d’autre. Heureusement, ils ont peu d’artillerie devant nous, ce qui paraît bien calme après Dixmude, où je crois que nous avons supporté le maximum d’un bombardement. » (Maurice Faivre. Lettre du 13 décembre.)
  4. Elle avait été défilée un peu au Sud du 1er groupe de 90.