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de l’après-midi et les estomacs crient famine ; aussi les « bouteillons » (marmites) ne font-ils qu’un saut des sacs sur le feu. Les instructions du général Duchêne, qui a remplacé Grossetti a la tête de la 42e division, portent que la brigade relèvera dans la nuit, « sur le front du canal de l’Yser, depuis la Maison du Passeur exclue jusqu’à un point situé à 800 mètres environ au Nord du pont de Steenstraete, » les unités de la division qui doivent elles-mêmes en relever d’autres de la 8e armée. Ces unités sont le 151e, le 162e régimens d’infanterie et le 16e bataillon de chasseurs. La note de service ajoute qu’ « une passerelle a été jetée sur le canal de l’Yser, à peu près au milieu de ce front, et une petite tête de passerelle organisée en avant sur la rive droite. » Mais la brigade n’est plus une brigade que de nom : les prélèvemens qu’elle a subis l’ont réduite à un régiment, auquel on demande en somme de faire la besogne de deux régimens et d’un bataillon. Comme dit le commandant Geynet, « c’est chic, mais c’est dur. »

Trop dur peut-être. L’organisation du front exigeant un minimum de dix compagnies, sur douze qui nous restent, le service des relèves sera presque impossible ou tout au moins terriblement espacé. On dit bien que l’amiral Ronarc’h a réclamé d’urgence les bataillons Mauros et Conti, détachés à Caeskerke. Et le fait est qu’ils arriveront les jours suivans ; mais, comme on en profitera pour étendre notre front, nous n’en serons pas beaucoup soulagés. Parant au plus pressé, l’amiral répartit ses unités en deux secteurs coupés par une ligne fictive Est-Ouest : le secteur Nord, sous les ordres du commandant de Kerros (quartier à Pypegaale) : le secteur Sud, sous les ordres du commandant Geynet (quartier au moulin de Lizerne) ; les deux secteurs sous le commandement supérieur du « colonel » Delage (quartier dans une ferme entre Pypegaale et Bosch-Hoek).

À peine si les hommes ont eu le temps de se sécher au cantonnement : dès la nuit tombée, sac au dos ! Et c’est l’éternel cheminement, si souvent décrit par les carnets, dans les ténèbres fouettées de pluie, sur une glèbe moite et gluante, dont le suintement a fini par effacer tous les repères. Du moins n’y a-t-il pas à craindre que l’ennemi, occupé par ailleurs avec les « Joyeux » qui lui donnent suffisamment de fil à retordre, prête attention au mouvement qui s’exécute et qui, commencé