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FRANÇOIS-JOSEPH

L’histoire date ses justices. Elle aurait pu, s’il était mort dix ans plus tôt, réserver quelque indulgence à François-Joseph ; elle lui aurait sans doute tenu compte de ses malheurs, comme s’il n’en avait pas été, pour une large part, responsable, et du décor honorable de son règne, comme s’il n’avait pas voilé les pires souffrances. L’histoire aurait eu tort : l’événement l’a prouvé. En vérité, pour certains hommes, la longévité prend les apparences d’un châtiment de Dieu, comme s’il fallait que les grands responsables assistassent aux inévitables conséquences de leurs erreurs. Il en a été ainsi pour François-Joseph de Habsbourg-Lorraine, empereur d’Autriche, roi apostolique de Hongrie. Cette guerre, dont il est l’un des principaux coupables, suffit, quelle qu’en puisse être l’issue, à le juger et à le condamner. Et en repassant toute cette destinée, ces longues années qui lui furent dévolues, pendant lesquelles tant de bien s’offrait à l’activité libre de cette volonté souveraine, et qui s’achèvent, dans le sang et les larmes, parmi les malédictions des peuples, on est tenté d’emprunter sa parole au plus grand des orateurs sacrés pour s’écrier avec lui : « Instruisez-vous, arbitres du monde ! » Notre dessein, ici, sera plus modeste : il faut aux grands sujets les grandes voix. Il ne saurait même être question encore d’établir un jugement historique sur un si long règne si rempli d’événemens considérables ; il est trop tôt pour prononcer un verdict définitif. Il ne s’agit que d’une esquisse du caractère de l’homme et de son « moi » historique. Une école philosophique prétendait réduire à néant l’influence