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de vue politique, la Grèce et son roi Constantin sont plus que jamais pleins de précipices. Sur l’ultimatum, à report, des Puissances protectrices, nous eussions, en tout cas, préféré nous taire. Nous ne nous plaindrions pas que la main fût gantée, si, sous le gant, on sentait la main. Le malheur serait qu’il n’y eût qu’un de ces gants, tout frais ôtés, qui moulent en apparence l’épaisseur de la main, et qu’une chiquenaude dégonfle. Des paroles sévères ont été prononcées hier, et des mesures rigoureuses annoncées, à échéance de quarante-huit heures. Quarante-huit heures ne pèseront guère à notre patience qui ne s’est pas lassée d’attendre deux ans, de souffrir six semaines, pourvu que, ce dernier délai expiré, la Grèce germanisée paie d’un coup tous ses défis et toutes ses offenses. De la Conférence de Rome, sauf cela, qui peut être quelque chose, nous savons seulement qu’elle a eu lieu. Mais de ses travaux, ou de son programme même, on ne nous a rien dit. Aucune déclaration solennelle ne l’a close. Les toasts ont été brefs et de simple courtoisie. C’est parfait, car ce qu’on attend cette fois du Conseil de guerre de l’Entente, ce ne sont pas des photographies, ce sont des hommes, et ce n’est pas une formule, c’est une action. Au point de vue militaire, la retraite russo-roumaine sur le Sereth se poursuit sans accident désastreux, en dépit de l’effort combiné de Mackensen et de Falkenhayn en Valachie et de l’archiduc Joseph dans les passes de la Moldavie, en dépit même de la prise de Braïla et de la chute de Focsani. Tout peut encore être sauvé, si Broussiloff attaque, là ou un peu plus haut. A l’Occident, il semble, à de certains signes, que le front franco-anglais s’apprête à se réveiller. Il nous faut la victoire. La France et l’Angleterre viennent de l’affirmer, comme par un symbole, en conférant ensemble à leurs généraux en chef, Joffre et Douglas Haig, un bâton de maréchal, sur le cercle d’or duquel on pourrait, au lieu de l’inscription ancienne, graver : « Récompense du passé, espérance de l’avenir, » ou, en un latin qui vaudrait toujours bien celui de Ferdinand de Bulgarie : Præeriti merces, Spes futuri.


CHARLES BENOIST.

Le Directeur-Gérant, RENE DOUMIC.