Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/479

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Président Wilson, avec lequel il déclarait s’être « mis en rapport il y a déjà cinq semaines, » — soit vers le 15 novembre. — Un si noble souci (le souci de savoir si l’humanité peut espérer se rapprocher aujourd’hui d’une paix bienfaisante) devait éveiller en Suisse un écho profond : « Fidèle au devoir que lui impose l’observation la plus stricte de la neutralité, liée en même temps d’amitié avec les deux groupes de Puissances actuellement en guerre, isolée au centre de l’épouvantable mêlée des peuples, gravement menacée et atteinte dans ses intérêts, moraux et matériels, la Suisse aspire à la paix. » Comme les États-Unis, par conséquent, pour les mêmes raisons, et pour d’autres, plus particulières, elle était « disposée à jeter les fondemens d’une collaboration féconde entre les peuples. Elle s’estimerait heureuse de pouvoir, même dans la plus modeste mesure, travailler au rapprochement des nations en guerre et à l’établissement d’une paix durable. » Sur quoi, il y aurait à remarquer : d’abord, que, par cette dernière phrase, la note du Conseil fédéral allait peut-être un peu plus loin que la note de M. Wilson lui-même; et puis, qu’être «disposée à jeter les fondemens d’une collaboration féconde entre les peuples » part d’un bon sentiment, mais suppose des garanties et, au préalable, des restitutions, des réparations, des sanctions, qui ne se règlent pas par prétention ; et puis, que se dire, en vertu même du devoir qu’impose la plus stricte observation de la neutralité, « liée en même temps d’amitié avec les deux groupes de Puissances actuellement en guerre, » quand un de ces deux groupes a à sa tête l’Allemagne qui a traité comme l’on sait la neutralité belge, c’est pratiquer une impartialité qui, à force de vouloir rester aveugle, sourde et muette, risque de devenir ou immorale ou amorale; et puis enfin, que rappeler, avec le Président Wilson, qu’il est « désirable de conclure des accords internationaux en vue d’éviter d’une façon durable et sûre des catastrophes comme celle d’aujourd’hui, » c’est encore d’un bon sentiment, mais c’est un beau moyen, tant que la défaite n’aura pas changé et que le châtiment n’aura pas retrempé l’âme de l’Allemagne : voyez Belgique et « chiffons de papier. » Mais que la Suisse « aspire à la paix, » rien de plus naturel; qu’elle soit « gravement menacée et atteinte par la guerre dans ses intérêts moraux et matériels, » rien de plus vrai; qu’elle souffre de cette « épouvantable » guerre plus qu’aucun autre État, rien de plus sûr, puisqu’elle est le seul État neutre qui soit complètement entouré de belligérans et qui n’ait aucun accès à la mer. Au reste, elle nous a donné, « dans son amitié avec les deux