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les denrées renchérissent pendant que le pouvoir de l’or s’avilit; qu’il y ait trop de riches, et de trop riches, peut faire qu’il y ait plus de pauvres, plus pauvres. Lors donc que le Conseil fédéral helvétique s’est discrètement abouché avec le Président Wilson, pratiquant de la sorte le premier « sondage, » il a trouvé le terrain propice. La personne même, la personnalité de M. Wilson, juriste, pacifiste, puritain, démocrate, Américain par-dessus tout, ne pouvait manquer de la rendre favorable. De plus, il a eu, comme professeur, trop d’accointances avec l’histoire, pour ne pas aspirer, Président de la plus puissante République du monde, à nouer avec elle, comme homme d’État, une plus étroite intimité. Il lui semble, légitimement, que ses études et ses aptitudes le désignent pour un tel rôle, dans une telle conjoncture : et qui sera qualifié pour reconnaître, dégager, restaurer ou instaurer le droit, si ce n’est ceux dont la vie s’honore de l’avoir enseigné ? Le Président Wilson feindrait en vain de ne point le sentir. Mais il est trop en vue; sa notoriété est trop grande, comme professeur et comme Président, pour qu’il puisse être le seul à le savoir; on le sait, aussi bien qu’en Amérique même, en Allemagne où l’on sait tout, et où l’on ne néglige rien. Lorsque M. Woodrow Wilson prenait soin de nous avertir que si, à six jours près, six jours après, le 18 décembre au lieu du 12, sa note arrivait en même temps que celle des Empires du Centre, c’était pure coïncidence, il n’y avait qu’à l’en croire, car il disait la vérité telle qu’il la connaissait, — et il est incapable de ne pas la dire ; — mais il pouvait ne point connaître toute la vérité, même en ce qui concerne les mobiles, lointains et secrets, de ses propres mouvemens. C’est bien vrai : voilà des semaines qu’il méritait cette note, il avait failli l’envoyer dès la première semaine de décembre ; on a précisé tout à t’ait, on a dit le 8 décembre, parce que, ce jour-là, plus particulièrement, un vent d’inquiétude avait soufflé à travers l’Atlantique. L’initiative de M. de Bethmann-Holwveg, loin de la hâter, n’avait fait que la retarder. Mais réfléchissons. D’où soufflait le mauvais vent ? De Berlin. Que soufflait-il ? La reprise impitoyable de la guerre sous-marine, avec des engins d’une puissance maléfique encore ignorée, dont le Deutchland était venu montrer, par deux fois, aux Etats-Unis, un pâle, mais suggestif échantillon. Et qui le soufflait ? Tous les Éoles, tous les Borées, tous les Aquilons à lunettes et jadis pansus qui ont leurs cavernes dans les bureaux de la Wilhelmstrasse. Comment oublier que l’affaire de la Lusitania n’est pas réglée, et que la neuvième note de M. Wilson au Chancelier impérial, la note d’avril 1916, exigeait de l’Allemagne des promesses