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en est aux seuls barbares. Et ce n’est, hélas ! que le moindre de leurs méfaits. Aujourd’hui leur vassalisme inné est en train de s’infiltrer dans notre libre individualisme, et leur culte abject de la force, de se substituer dans mainte conscience au fier idéal de justice intransigeante que nous avons hérité des ancêtres authentiques de notre race, les Pères pèlerins de la May Flower.

« Il y a quelque chose de pourri en Danemark. Nous nous cherchons et ne nous retrouvons pas. Sommes-nous encore l’Amérique ? Où bien sommes-nous tombés au rang de je ne sais quelle équivoque et louche Germano-Américanie ? Question abominable, n’est-ce pas ? et que nous en sommes pourtant à nous poser. Vous l’avez pu voir dans nos journaux : il n’y est bruit que de l’ « américanisme, » chacun s’appliquant à démontrer qu’il y en a un et faisant appel à notre passé pour établir en quoi il consiste. Un peuple dont les organes vitaux sont intacts n’éprouve pas le besoin de se définir à lui-même. Mais nous sentons que, si nous n’y mettons ordre, nous aurons à bref délai cessé d’être nous. Connaissez-vous une menace plus terrible ? Ce serait aux pouvoirs publics d’y parer. Ils sont aveugles ou n’osent pas. Alors il faut que nous, les simples citoyens, que nous, surtout, les écrivains, qui avons charge d’âmes, nous osions.

C’est ce que M. Lawrence Abbott a fait de concert avec toute une pléiade d’hommes de lettres, en fondant un « Comité des droits américains » dont le président est le grand éditeur new-yorkais, George Putnam. La première réunion des adhérens, inaugurée au Carnegie Hall, le 13 mars 1916, fut une véritable manifestation nationale. Des milliers de voix américaines y acclamèrent d’enthousiasme une Déclaration de principes que n’importe quel Français eût contresignée des deux mains. « Nous croyons, — affirmait-elle en substance, — qu’il existe une morale des États obligeant tous les gouvernemens au respect des traités. Nous croyons que la monarchie teutonne a répudié les engagemens qui s’imposent aux nations civilisées et perpétré des actes dont les conséquences enlèvent au présent conflit son caractère européen pour lui conférer les proportions d’une crise universelle. Nous croyons que, dans ces conditions, il n’est permis ni à notre peuple de garder la neutralité, ni à notre gouvernement de garder le silence. Nous croyons que les Puissances de l’Entente luttent pour empêcher l’asservissement