Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/434

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour se retourner et, tout de suite, s’atteste plus « efficiente » que l’Allemagne. Miracle ? Non. Les Américains ne croient pas à d’autres miracles qu’à ceux de l’énergie humaine. Comment donc expliquer la victoire actuelle de la France, prélude et gage de sa victoire définitive ? Tout simplement par l’intelligence française, déclare à ses compatriotes une femme de grand talent, un des publicistes les plus renommés des Etats-Unis, Mrs. Edith Wharton. L’erreur de l’Amérique, hypnotisée devant l’ « efficience » brute, a été d’oublier qu’il pouvait y avoir aussi une « efficience » spirituelle. Les Français ont vaincu et vaincront, parce qu’ils sont « le peuple le plus intelligent du monde. » Et voilà !

Oh ! sans doute, dans cette mêlée « titanesque, » le dernier mot n’est pas près d’être dit. Mais les Américains clairvoyans savent désormais, ils savent de science certaine qui le dira. Ce ne sera point l’Allemagne. Elle n’aura même pas le bénéfice de ses crimes. Alors, à quoi bon tous ceux qu’elle a commis, tous ceux qu’elle rêve de commettre ? Dépouillés de l’auréole possible du succès, ils revêtent aux yeux de l’Amérique réaliste une hideur nouvelle, une hideur bête. Et le principe pour lequel la France et ses alliés versent leur sang s’impose, en revanche, comme un préservatif universel. Il faut, dans l’intérêt du globe civilisé, partant, dans l’intérêt de l’Amérique elle-même, qu’il l’emporte sur la loi de violence et de ténèbres : il ne le faut pas seulement de toute justice, il le faut de toute nécessité. Ce n’est plus la vie de telles ou telles nations européennes qui est en jeu, c’est la vie de toute nation libre, mieux encore, ce sont les raisons de vivre de l’humanité tout entière. Ainsi la France reprend une fois de plus, et avec une noblesse, une dignité, une « splendeur » incomparables, son rôle historique, sa tradition éternelle de rédemptrice des peuples. Comme elle se battait jadis pour l’indépendance américaine, elle se bat à cette heure pour l’indépendance mondiale. Sa victoire sera le salut de la terre habitable, y compris l’Amérique.

Oui, l’Amérique. Force lui était, en effet, de s’apercevoir que ni le fossé de l’Atlantique, ni la doctrine de Monroë ne lui constituaient plus des isolateurs assez puissans. Pendant qu’appuyée au balcon des mers elle s’imaginait assister en spectatrice à la conflagration d’en face, derrière elle sa propre maison brûlait. Et je ne le dis point par pure métaphore, car il ne se passait