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« Jefferson, jadis, a posé comme principe qu’allégeance impliquait protection. Mais vous vous riez sans doute de l’allégeance et le principe de Jefferson n’a pas de signification pour vous. Vous dirai-je toute ma pensée ? Vous êtes, vous et vos pareils, les sous-produits d’une naturalisation américaine avortée, et l’heure n’est pas loin où le réveil de la conscience nationale vous expulsera de notre organisme politique comme autant de fermens malsains. Car il faudra pourtant bien que l’Amérique décide à bref délai si elle est réellement une nation constituée, jalouse des justes droits de ses citoyens et soucieuse d’en garantir partout le libre exercice, ou si elle n’est qu’une juxtaposition incohérente d’élémens disparates et récalcitrans dont la désharmonie, publiquement étalée, ne peut que jeter un discrédit de jour en jour plus profond sur l’honneur, naguère intact, du nom américain. » C’est dans la suave petite France philadelphienne qu’est votre foyer d’Oaklane, mon cher Giroud, que nous eûmes la satisfaction de lire ensemble cette verte et courageuse épître qui mettait si hardiment à nu les ravages de l’ulcère germanique dans le tissu vital de l’Union. Une manière de Provinciale new-yorkaise, disiez-vous. Et vous ajoutiez, si je me rappelle :

— Coudert est le plus français des avocats américains.

Actuellement peut-être, et à la condition de lui adjoindre, à ma connaissance, nombre d’émulés, tels qu’un Mason, un Wells, à New-York, un Haman, un Perkins, à Baltimore, et j’en passe. Mais, hier encore, M. Coudert eût été le premier à réclamer que l’on reportât ce titre sur M. Paul Fuller. La belle, la noble physionomie de légiste ! Très moderne, très d’aujourd’hui, aussi versé dans les jurisprudences de l’Europe que dans celle de son pays, mais, avec cela, d’une élévation de caractère, d’un aristocratisme de pensée, d’une chevalerie de sentimens qui faisaient invinciblement songer à quelque grand parlementaire de l’ancienne France, ressuscité au XXe siècle, en plein Wall-Street. Deux Américains m’ont laissé l’impression qu’ils réalisaient à un degré exceptionnel la formule de l’ « honnête homme, » au sens que la langue de nos classiques attribuait à ce mot : l’un est le Président de la Fédération des Alliances françaises aux Etats-Unis et au Canada, M. Julien Le Roy White ; l’autre était M. Paul Fuller. Je le vis, pour la dernière fois, dans le courant de novembre 1U15. Physiquement, il