Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/395

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sanglans sacrifices auxquels nous consentons pour elle. Et cette ardeur patriotique se double, chez lui, comme du reste chez tous nos officiers, d’une admiration sans bornes pour les soldats qu’ils ont sous leurs ordres, « pauvres héros anonymes qui font de grandes choses sans le savoir, ou plutôt sans le dire. » La patience, la bonne humeur, l’adresse intelligente, le bon sens robuste, le dévouement sans faste, le tranquille et simple courage de nos « poilus de seconde classe » sont pour lui un sujet d’émerveillement perpétuel. Il est heureux, et il est fier de retrouver en eux ces vieilles vertus héréditaires d’une race bien née. Aussi, comme il les aime, ses chers soldats, et, — nous l’avons su depuis, — que d’attentions délicates il a pour eux ! Comme il plaint leurs souffrances et comme il s’efforce de les adoucir ! Comme il tremble pour eux quand il les sait exposés, et, quand ils tombent, quelle douloureuse tristesse est la sienne ! Il est jalousement avare de ce sang français dont il connaît tout le prix. Sa supériorité d’éducation et de culture lui est une raison de plus pour se rapprocher de ces simples, pour vivre de leur vie et pour partager leurs dangers.


Je suis fort content d’être où je suis, m’écrivait-il. Je serais désolé d’abandonner les braves gens qui, chaque jour, à côté de moi, risquent leur vie et souvent la donnent. Ce n’est pas parce que je laisserais quelques gros bouquins derrière moi que ma vie vaudrait plus que la leur. Cette égalité dans le péril anonyme a quelque chose de fraternel qui est très salutaire.


Voilà, je crois, un état d’âme qui est peu commun de l’autre côté des tranchées.

Ces nobles sentimens, ces généreuses pensées étaient, chez Maurice Masson, entretenus et épurés par la foi chrétienne. Ses lettres nous ouvrent un jour discret sur sa vie intérieure, dont il dissimulait volontiers la profondeur sous l’enjouement de sa verve et la grâce pétillante de son esprit. Il avait toujours été chrétien, et, par éducation comme par réflexion, — car le problème religieux l’avait toujours hanté et il l’avait étudié sous toutes ses faces, — la conception catholique du monde et de la vie lui avait toujours paru à la fois la plus satisfaisante pour l’esprit et la plus apaisante pour le cœur. Les objections intellectuelles que l’on peut adresser à la doctrine, et qui avaient pu, non pas l’ébranler, mais l’inquiéter quelquefois, il avait une tendance à les résoudre par la vie, par l’action. La guerre, comme à tant d’autres de ses camarades, vint lui fournir la plus