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On devra d’ailleurs employer tous les moyens propres à entourer de respect les familles nombreuses. Il ne suffit pas de leur donner des indemnités pécuniaires ; il faut aussi les honorer. Rien n’est à négliger pour replacer dans l’estime publique, au rang qui leur est dû, ceux qui assurent l’avenir de la Patrie, en lui donnant de nombreux enfans. Ils lui donnent aujourd’hui de nombreux soldats. Ce sont les grandes familles qui, dans la guerre actuelle, subissent les épreuves les plus cruelles ; la France leur devra une éternelle reconnaissance.

Telles sont les réflexions qu’inspire une question angoissante entre toutes. J’ai dû tracer un tableau parfois un peu sombre, mais un patriotisme éclairé exige que nous nous voyions par nos mauvais comme par nos beaux côtés. Au reste, nous avons parlé de la France d’hier. Après un cataclysme sans précédent dans l’histoire, bien des choses seront changées dans notre pays, et nous devons espérer que beaucoup élèveront leurs regards au-dessus de leur intérêt personnel et immédiat, remportant ainsi une victoire sur un égoïsme fatal à la patrie.

Une nation, qui aura montré si héroïquement son désir de vivre, ne périra pas de consomption. Les docteurs d’outre-Rhin se sont lourdement trompés, en proclamant que la France est une nation finissante, en train de disparaître. Au creuset de cette guerre terrible, elle se sera débarrassée de quelques scories, et, après une paix qui ne sera pas la paix allemande, mais la paix de la civilisation victorieuse de la barbarie organisée, son génie bienfaisant, plus vivant que jamais, continuera à rayonner sur l’humanité.


EMILE PICARD.