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singulièrement limité. Les générations qui grandissent, les plus intéressées aux progrès de l’avenir, ne sont pas représentées dans les conseils du pays. Alors que les familles d’au moins trois enfans constituent plus de la moitié de la population française (23 millions d’habitans), elles ne sont représentées que par moins d’un tiers des électeurs (3 millions et demi). On doit considérer que, dans un même milieu social, la valeur nationale d’un père élevant sa famille, autant du moins que cette valeur peut être évaluée par un chiffre, est supérieure à celle du célibataire que l’avenir intéresse beaucoup moins. L’opinion de l’un et de l’autre ne doit donc pas avoir le même poids ; il faut leur attribuer des coefficiens différens. Il paraît naturel de fixer ce coefficient d’après le nombre des personnes (femme et enfans mineurs), dont est responsable le chef de famille. Dans ce vote, qu’il faut appeler familial, tout chef de famille ajouterait à son suffrage un nombre de suffrages égal au nombre de personnes (femme et enfans mineurs), dont il a la charge. Le père d’une famille de cinq enfans, dont la femme est vivante, aurait donc droit à sept suffrages ; le célibataire n’aurait qu’un suffrage. On peut, si l’on veut, se placer dans cette question à un point de vue plus juridique, en considérant que tout Français, quel que soit son âge, a des droits civils, et que ceux-ci ont comme garantie nécessaire des droits politiques ; d’après cette conception, le chef de famille voterait effectivement pour sa femme et ses enfans mineurs. Le résultat est le même.

Si le père vient à disparaître, la veuve, chef de famille, jouira des mêmes droits. Nous entendons ainsi honorer la mère de famille, et nous considérons cette question comme entièrement distincte de celle du vote des femmes, étrangère à la question de la repopulation.

Avec le vote familial serait réalisé un suffrage vraiment universel. Le père de famille aurait en France un rôle prépondérant, résultat dont les conséquences seraient immenses. Nous jugeons indispensable l’introduction du vote familial. Sans cette réforme capitale, il est peut-être impossible d’arriver à développer la famille et à la protéger autrement que d’une manière purement verbale et oratoire. Rien ne montrerait mieux l’importance qu’ont dans la Cité les grandes familles, et la mentalité générale à leur endroit serait rapidement transformée.