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restant d’ailleurs seuls héritiers. Pour ne pas rompre complètement avec les lois actuelles, nous proposons qu’il soit fait des biens du défunt deux parts de valeur égale. La première est partagée suivant le mode habituel, la seconde est partagée de la manière suivante entre les descendans au premier degré ; on ajoute une unité au nombre des enfans de chacun de ceux-ci, et le partage se fait proportionnellement aux nombres ainsi obtenus. Supposons, par exemple, que le défunt ait deux descendans au premier degré, ceux-ci ayant respectivement deux et cinq enfans ; le partage se fera proportionnellement aux nombres trois et six. Il est entendu que les partages, dont il vient d’être question, sont purement nominaux et ont seulement pour objet de fixer des nombres.

J’ajoute encore un mot sur cette loi successorale, qui consacrerait un principe nouveau. Il a été question récemment d’adjoindre aux enfans l’Etat comme héritier, dans le cas d’une famille de moins de trois enfans ; un projet de loi a même été déposé en ce sens. Si ce projet devait jamais être discuté, le principe qui, dans les successions, tient compte des petits-enfans, pourrait devenir tutélaire. Ceux qui n’hésiteraient pas à dépouiller en partie au profit de l’Etat un fils unique sans enfans hésiteraient peut-être à le faire, si ce fils unique était chargé de famille.

Il faut encore obtenir la suppression de l’article du Code civil prescrivant le partage égal en valeur et en nature. Il produit un morcellement défavorable aux exploitations industrielles et agricoles ; il amène à la diminution du nombre des descendans et trop souvent au fils unique, ce fléau de la famille française. Mais cette suppression est loin d’être suffisante. Nous pensons que l’on peut, d’une façon plus précise, épargner au chef de famille la crainte, si défavorable à la natalité, que son œuvre soit un jour anéantie par des partages désastreux. Il suffit que les droits des divers héritiers sur les exploitations agricoles, industrielles, commerciales, puissent être représentés par des « actions d’une nature spéciale, » comportant la préemption en faveur des héritiers. Cette disposition toute nouvelle sera particulièrement intéressante pour la propriété rurale, dont le sort ne sera plus soumis à la fantaisie d’un des héritiers.

Nous n’avons parlé jusqu’ici que des successions ab intestat,