Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/326

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tandis qu’un torpilleur file, là-bas, sous un panache de fumée ?

J’ai employé le dernier jour de ce beau voyage à visiter le bâtiment et à me faire expliquer l’organisation des navires-hôpitaux, moins connus du public français que toutes les autres formations sanitaires. Ils ont joué un rôle important dans l’œuvre si complexe qu’a du accomplir le service de santé de la marine.

C’est au mois de mai 1915, après les premiers combats dans la presqu’île de Gallipoli, qu’une commission de dix médecins, ayant à leur tête un médecin en chef, fut envoyée aux Dardanelles. Elle devait prendre toutes les mesures nécessaires pour enrayer les grandes épidémies, choléra, peste, fièvre jaune, et s’opposer à leur importation en France par les malades du corps expéditionnaire ; elle devait assurer l’évacuation des blessés, et fournir les soins médicaux au personnel toujours plus nombreux dépendant des bases maritimes.

Le problème de l’évacuation n’est pas facile à résoudre, même à terre et quand il s’agit seulement de transporter les blessés depuis la ligne de feu jusqu’aux hôpitaux de l’arrière. Il se complique bien davantage quand la mer vient s’interposer entre les hôpitaux et le front. La marine avait fait l’expérience de ces difficultés pendant les campagnes coloniales qui précédèrent la grande guerre, et elle avait prévu, dès le temps de paix, la transformation de certains bâtimens de commerce en navires-hôpitaux. Mais tout bâtiment ne se prête pas à cette métamorphose. Il faut que la disposition intérieure permette une circulation facile, que la ventilation soit parfaite, et la vitesse suffisante. Tel navire, excellent pour le service ordinaire, présentait des vices rédhibitoires, au point de vue de la transformation possible en hôpital. C’est pourquoi, au début de la campagne, seuls le Canada et la Duguay-Trottin se trouvèrent aux Dardanelles pour assurer le transport des blessés.

La Bretagne vint se joindre à eux, mais, bientôt, l’on fut obligé de doubler ces trois navires par de simples transports de troupes, mal organisés au point de vue médical et qui ne mettaient pas les blessés à l’abri des torpillages, puisque les transports de guerre sont considérés comme belligérans et traités comme tels. Les médecins qui servirent sur ces bateaux, affrontèrent les plus grandes difficultés pour remplir leur tâche, il fallut créer, à tout prix, d’autres navires-hôpitaux : ce furent