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vallée alsacienne redevenue nôtre, dont les habitans se sont chargés de fleurir sa tombe jusqu’au jour où il sera possible de rendre ses restes à sa famille. Sur cette tombe, pour toute inscription, ces simples mots, si éjoquens dans leur brièveté : « Richard Hall, un Américain qui mourut pour la France. » Que vos jeunes mânes se réjouissent, ô Dick Hall ! Là-bas, dans votre collège, le casque d’acier que vous portiez quand vous fûtes atteint fait maintenant l’orgueil de vos camarades qui le conserveront a jamais comme une relique corporative, et, chose qui vous touchera plus encore, un généreux anonyme, votre compatriote, ému par votre glorieux trépas, a voulu que, pour le commémorer, une nouvelle voiture d’ambulance, à vous dédiée, gagnât le front d’Alsace, conduite par votre frère Louis. En sorte qu’après avoir donné votre vie à la France, vous continuez à la servir efficacement dans la mort.


Comme je citais à un sculpteur de New-York l’affirmation si catégorique du professeur Grandgent, il me rétorqua :

— Eh bien ! nous, les artistes américains, nous n’avons pas eu à devenir Français, pour la bonne raison que nous l’avons toujours été.

Dieu sait, cependant, si, eux aussi, l’Allemagne a tout mis en œuvre, et de longue date, pour les séduire. Un des peintres les plus remarquables de l’Amérique contemporaine, le poète du pinceau qui a le plus délicatement interprété, je pense, la magie des levers d’aube et des agonies de lumière sur le miroir immense de l’Hudson, Léon Dabo, m’a fait à cet égard de curieuses révélations qui méritent d’être connues en France.

— Voici plus d’un quart de siècle, me disait-il, que les Allemands s’efforcent d’enrayer et de détourner à leur profit le mouvement qui, depuis l’exode des Whistler, des Alexander, des Dana, des Harrison et de tant d’autres, a toujours entraîné les jeunes vocations américaines vers les foyers de l’art français. Mais, dans les dix dernières années principalement, ils avaient inaugura une campagne méthodique, pourvue de tous les moyens d’action imaginables. Le Kaiser lui-même, après avoir consulté les personnes compétentes, en avait tracé le plan. Le Dr Paul Clemen, de Bonn, était chargé d’organiser dans toutes les écoles américaines de quelque importance des cours, faits par des