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— Songez, me disait l’un d’eux, qu’à la tête du Conseil d’administration figurent un Spiegel, un Renner, un Wolfstein, — trois noms qui sont, à eux seuls, autant de certificats d’origine.

Le docteur Dabney, en revanche, était plein de sérénité. Au premier mot que je lui touchai des nouvelles complications que risquait de lui apporter ma venue, il m’interrompit avec un haussement de ses larges épaules :

— N’ayez à mon sujet aucune crainte. Ce sont querelles d’Allemands, et j’ai derrière moi le rempart de tous les vrais Américains, des Américains sans trait d’union. Lisez plutôt.

Il me désignait, dans un numéro du New-York Evening Post, les lignes que voici : « Nos amis germano-américains de Cincinnati, dans leur ineffable logique, sont en train de décréter qu’un président d’Université n’aura le droit de donner, son impression sur la guerre que si cette impression est favorable à l’Allemagne… Nous ne pensons pas que le docteur Dabney soit homme à se laisser troubler par les criailleries d’un Volksblatt et de ses abonnés ; mais nous entendons d’ici les hurlemens que pousseraient les organes du même acabit, si les « gradués » de Harvard, tout écœurés qu’ils puissent être de la propagande teutonne du professeur Munster-berg, s’avisaient de vouloir le bouter hors de leur Université. On nous ressasserait, pendant des colonnes entières, que le professeur Munsterberg, lui, possède la vérité, tandis que quatre-vingt-quinze pour cent des Américains sont mis dedans par une presse sans scrupules, vendue aux Anglais ou aux Russes. » Et le docteur Dabney concluait :

— Quatre-vingt-quinze pour cent ! Même si le chiffre était exagéré, vous voyez que nous avons de la marge.


Puisque nous sommes sur le chapitre universitaire, le mieux sera peut-être de faire tout de suite leur part à celles de mes expériences qui le concernent. Il ne faudrait, d’ailleurs, pas juger d’après nos idées françaises de la place que le monde des Universités occupe dans les sphères intellectuelles de l’Amérique. Cette place est bel et bien la première. Il ne fournit pas seulement des chefs à l’Etat : il leur ouvre encore une des rares situations qui soient regardées comme dignes d’eux, après leur