Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/168

Cette page a été validée par deux contributeurs.

straat, qui fut son ami, et dont il avait gravé le portrait, on trouva soixante-quatorze cuivres originaux de Rembrandt, et leur liste se retrouve, entière, parmi ceux qu’on possède aujourd’hui.

Dès 1650, un noyau d’amateurs des œuvres du maître s’était déjà formé à Paris, et l’un d’eux, Michel de Marolles, avait publié, en 1666, du vivant de l’artiste, un catalogue de « 224 portraits et caprices fort curieux de Rhinbrand. » Florent Le Comte possédait, dès 1699, 418 épreuves de sa main. Plus tard, Mariette, le célèbre collectionneur, entreprit de rechercher tout l’ensemble de son œuvre gravé et quelques-uns de ses cuivres.

C’est alors que C.-H. Watelet, receveur général des Finances du Roi, membre de l’Académie française, associé honoraire de l’Académie des Beaux-Arts, qui se piquait d’être un artiste et un graveur très érudit, entreprit un voyage en Hollande, d’où il rapporta tous les cuivres de la succession de Clément de Jonghe, et quelques autres, qu’il eut le bonheur de retrouver. Il avait formé le dessein de résoudre l’ardu problème de la technique du maître ; mais, comme il était imbu des traditions scolastiques de notre XVIIIe siècle français, dont les graveurs s’adonnaient surtout à l’illustration à grands tirages, il eut le sentiment erroné que la plupart des cuivres qu’il retrouva étaient usés, irrémédiablement. Ils devaient être, au contraire, de cette qualité spéciale, dont le cuivre du Jan Six est le prototype, tout en travaux atténués par des morsures crevées et superposées. Il crut, de bonne foi, faire œuvre pie en détruisant, sous sa molette et son burin, ces travaux délicats, qui sont la base même de la technique rembranesque, et ces chefs-d’œuvre, le Rembrandt dessinant, l’Abraham Francen, le Docteur Fautrieus, qu’on allait bientôt confondre avec le Faust de Gœthe à dater de 1798 ; puis la Mère de Rembrandt, la Fuite en Égypte à la lanterne, l’Adoration des Bergers, l’Annonciation aux Bergers, toutes ces pièces magnifiques furent définitivement perdues.

Watelet était si naïvement convaincu de son érudition technique, qu’il entreprit de donner des répliques aux pièces les plus savantes de l’œuvre de Rembrandt. Il grava un portrait de Greuze « dans le goût du portrait de Six, » puis celui de son ami, l’abbé Copette, dans l’attitude et l’arrangement du portrait de Francen. Cependant les pièces de style plus libre, les œuvres plus cursives, Jésus au milieu des Docteurs, le petit Orfèvre, les Pèlerins d’Emmaüs, les Baigneurs, la Circoncision