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était réuni, là, en épreuves de choix. On y voyait Lucas, le demi-dieu de Leyde, à côté de Mantegna dont le « précieux œuvre, » au complet, opposait ses vingt-sept « Stampe » au Livre des Proportions de Dürer et de Jean Cousin, et aux burins et aux grands bois du maître franconien. Tout ce qu’on avait publié d’après Michel-Ange formait un gros volume à part. Dix énormes cartons pleins de dessins des principaux maîtres ; des estampes persanes ; un manuscrit précieux, couvert de miniatures rappelant les costumes du temps passé, se trouvaient avec une infinité de petites estampes documentaires, imprimées sur cuivre ou sur bois. L’œuvre gravé du vieux Breughel, celui de Was et celui d’Antony Tempesta ; les bois de Lucas Cranach ; les burins d’Israël Meckenen, d’Hubse Marten et d’Hans Brosamer ; les bois d’Holbein en petit format ; les portraits de Van Dyck, de Rubens, de Miérewelt et des anciens maîtres ; les épreuves de Franz Floris, de Goltzius et d’Abraham Bloemaert avec l’œuvre complet de Hoemskeck, qu’il avait réunis patiemment à coups d’enchères, étaient classés dans des portefeuilles spéciaux, près de l’œuvre entier de Marc-Antoine, et des grandes pièces religieuses d’après le Titien, les trois Carrache, le Guide et l’Espagnolet.

Quantité de dessins, de Melchior Lorck, d’Hendrick van Aelst et d’autres artistes revenant du Levant, évoquaient à ses yeux la vie turque, les villes et les édifices de cet Orient légendaire qu’il imagina tout différemment. Il y avait encore de Buiteweck, de Coeck et d’autres petits maîtres, nombre d’épreuves de moindre prix, avec les pièces licencieuses du Rosso et de Giulio Bonassoni. La Jérusalem de Callot qu’il avait achetée autrefois à Leyde et qui lui inspira ses Gueux pittoresques, voisinait avec des eaux-fortes de Wenceslas Hollar dont l’amitié l’accueillera dans Londres, lors de son voyage, en 1661.

C’est ainsi qu’on entrevoit le sommaire de cette collection magnifique d’estampes, au travers de la nomenclature judiciaire de cette saisie du 25 juillet 1656, que nous avons mentionnée dans un récent article[1]. Sommes-nous assez loin, dans cet élégant cabinet de curiosités vivement éclairé, au midi, par quatre fenêtres du premier étage, de cette « maison noirâtre

  1. Voyez la Revue du 1er janvier 1916.